Religions

Ré-humaniser Jésus de Nazareth

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Nous avons fait de Jésus un être en dehors de l’humanité, un extra-terrestre.

J’ai chez moi une magnifique photo. Une femme est assise sur un mur derrière son enfant; légèrement penchée, elle s’appuie sur sa main droite ; elle a de longs cheveux noirs; son enfant se tient debout devant elle ; il n’a pas encore tout son équilibre et de sa main droite, il s’agrippe à sa mère derrière lui ; de l’autre il suce son pouce ; il doit avoir 10 mois ; Il est nu et arbore un magnifique zizi. Sa mère a le regard tourné vers nous, pensive. On pourrait penser qu’elle s’interroge sur son avenir avec nous. Sa tête est si proche de l’enfant qu’on dirait même qu’elle lui parle à l’oreille. Elle est vêtue d’une longue robe noire, ce qui fait qu’on ne s’intéresse qu’à son visage et à ses bras protecteurs.

Il m’arrive souvent de regarder ce beau cliché. Pour moi, c’est Jésus et sa mère. Cette photo me relie à leur humanité. Mais il s’agit d’une femme et d’un enfant blancs, de type européen. C‘est pourquoi j’ai aussi placé à côté une autre photo, celle d’une femme mongole, au teint buriné par le soleil car sa tribut est toujours dehors et la nuit, dans des yourtes. Elle est vêtue très sobrement aussi, mais avec un manteau de couleur foncé. Il ne s’ouvre que pour donner le sein à son enfant qui n’a guère que deux mois. Son regard est tout entier concentré sur lui. C’est une autre représentation de Marie avec son enfant, car Marie devait avoir le même teint de peau que cette femme. Elle n’était pas de style européen. Ces deux femmes, un seul visage, celui de Marie, celui de femmes modestes qui remplissent les taches modestes de toute mère qui doit veiller sur son enfant et le nourrir. Pas d’anges ici, pas d’étoile ou de rois mages imaginaires. Rien que la simplicité et la richesse d’une vie donnée.

Dans le ronron des prédications, nous avons sauté à pieds joints sur cette époque-là. Les récits, pourtant pleins de symboles, des évangiles, nous ont fait sauter allégrement de sa naissance à son arrivée près de Jean le baptiseur sur les rives du Jourdain. Et même chez Marc et Jean, qui n’ont pas un mot sur la naissance et l’enfance, nous sautons directement au Jésus adulte. Pourtant, de 0 à 30 ans, il a dû s’en passer des choses. Demandez à une mère ou à un père ; il vous en racontera pendant des jours et des semaines : ses premiers cris, ses premiers pleurs, ses premiers sourires, ses premiers coups de reins pour se soulever, ses premières maladies, ses éclats de rire dans le bain, ses premiers pas à l’équilibre fragile, ses premiers mots, ses plats préférés (mais peut-être qu’il n’y avait pas trop de choix, à l’époque!)…je ne sais ! Mais de cette partie de sa vie, nous ne savons strictement rien et qui plus est, nous passons là-dessus comme si ce personnage n’avait pas eu d’enfance, comme s’Il était devenu un homme sérieux tout de suite, car, bien sûr,  c’est l’homme sérieux qui nous intéresse, le professeur de morale, le vagabond, le fondateur d’une religion, la nôtre, la vraie, la seule vraie. Nous l’avons déshumanisé, lui et a mère avec lui. Et du coup, nous avons créé un personnage inatteignable et une religion désincarnée.
Que mangeait Jésus à son petit déjeuner lorsqu’il avait 5 ans, 10 ans 15 ans ? Et à midi ? Probablement beaucoup d’olives, de la viande de mouton, du pain fabriqué et cuit à domicile par Marie. Jésus a eu 3 frères et deux sœurs. Que faisait-il avec ses frères et sœurs ? Et avec les gamins du village de Nazareth en Galilée ? A quoi jouaient-ils ? Probablement comme tous les enfants du monde  qui s’amusent avec trois fois rien : un foulard ou un habit pour se déguiser, une corde pour sauter, un arbre pour grimper, une fontaine pour s’arroser… Jésus a-t-il fait du vélo ou de la trottinette ? Non, certainement pas mais il a dû apprendre à monter sur l’âne dont son père se servait pour transporter ses poutres de bois sur les chantiers de construction. Ce dernier a dû lui apprendre à compter ; un chef d’entreprise a intérêt à compter juste ! Peut-être aussi à lire car les garçons allaient à l’école, pas les filles ; pauvre Marie !

Il était l’ainé, lui qui avait été conçu avant le mariage ou plutôt hors  mariage !(1) On se mariait très tôt alors ; une fille était facilement mariée à 14-15ans. Jésus avait donc vécu dans une  famille avec des enfants en bas âge ; il a du s’en occuper comme l’on fait dans les grandes familles. Il devait les faire manger, les faire jouer, leur apprendre à lire dans le grand livre de la bible, peut-être, leur raconter des histoires surtout pour les endormir le soir, tout ce que fait naturellement un bon tonton !

Il faut sauver le soldat Ryan, titrait le film de Steven Spielberg! Je crois qu’il est temps de sauver l’homme Jésus pour se le réapproprier en en re-faisant l’un des nôtres. Reconnaissons d’ailleurs qu’il en est de même pour Marie, inatteignable. Des êtres tellement parfaits, policés, qu’ils nous échappent complètement, nés – que dis-je conçus avec un nimbe autour de la tête ! 

De plus Jésus n’était pas noir; que diraient les fidèles pratiquants européens si on leur proposait demain la statue ou l’image d’un Jésus africain ? Il était palestinien, de ceux qui se font massacrer aujourd’hui par des juifs sans qu’ils sachent que ce sont peut-être bien eux, les vrais ancêtres des juifs qui habitaient la Palestine à l’époque de Jésus, comme le pensent certains anthropologues ! Il devait avoir un visage au teint brun, pas blanc comme les occidentaux.

Re-humaniser l’homme-Jésus de Nazareth !

Et que dire de cette église qui s’est construite à partir de l’image d’un Jésus-Messie-ressuscité-mythique et non de l’homme de Nazareth, le Jésus de l’histoire ! Regardez toutes les grandes fêtes; chacune repose sur un mythe : qui peut croire aujourd’hui que Jésus est monté au ciel… sans ascenseur ? Qui croit que Marie en a fait de même? qui croit aujourd’hui qu’un corps mort et bien mort ( cf. la lance du soldat qui lui traverse sinon le cœur tout au moins le poumon ) puisse ainsi sortir vivant d’un tombeau ? sans parler de Noël avec ses cortèges d’anges et d’étoiles miraculeuses (Cf. article sur « désenchanter Noél » ?

Avec le sens de la mesure, Retrouvons le sens de humain !

PS. Je suis preneur des articles qui iront dans ce sens. Merci

(1) Concernant l’identité de Jésus, on se référera à l’article déjà paru ici « Connaissons-nous le père biologique de Jésus ? »

Des prêtres allemands gays font leur Coming Out

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En Allemagne,125 catholiques, dont des prêtres, ont fait leur coming-out en même temps.
C’est du jamais vu. L’objectif est de dénoncer la politique discriminatoire de l’Église.
Les fidèles ont aussi publié un manifeste sur le site #OutInChurch.
Ils réclament « un changement dans le code du travail de l’Église ».
Tous les détails 👉https://link.rtbf.be/ComingOutCatholiquesAllemands

Peut être une image de texte qui dit ’INFO HI- #十 out in church cuaLcp " Je suis un prêtre gay et je ne veux plus me cacher. Uwe Grau, prêtre allemand’



Ne m’appelez plus jamais « enfant du péché » !

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(Cet article, comme le précédent, est paru dans la revue « Golias hebdo)
La règle du célibat imposée aux seuls prêtres de l’église catholique a mis bien du temps, bien des siècles pour s’imposer. Mais en fait, on pourrait même dire qu’elle ne s’est jamais pleinement imposée dans les mœurs.
Cette question ne faisait pas problème lorsque les premiers témoins qui ont accompagné Jésus ont suscité les premières communautés. On ne se souciait pas du statut matrimonial de ceux qui étaient choisis comme leaders d’une communauté en fonction de leur qualité d’animateur et de leur comportement évangélique.
Le premier tournant a été pris deux siècles plus tard lorsque des hommes ont souhaité vivre une vie qu’ils estimaient plus parfaite. Ils se sont isolés dans le désert pour y vivre une vie à l’écart de la société et sans épouse. A l’écart ? Pas tout à fait car il fallait bien manger et les corbeaux n’étaient pas toujours au rendez-vous !
Un certain Paul voulait d’abord fuir la persécution féroce de l’Empereur romain Dèce mais aussi la vindicte de son frère pour une question d’héritage familial. Il prit donc la fuite au désert égyptien. Il était natif de Thèbes et cela se passait vers 250. [1] Jérôme lui-même partit à sa rencontre ; il y découvrit ainsi la vie érémitique ; un véritable engouement s’empara de nombreux chrétiens soucieux d’une vie plus évangélique, pensaient-ils; la solitude laissait plus de place pour prier et méditer. La première secousse viendra d’Espagne en 305 avec le concile ou synode provincial d’Elvire (aujourd’hui un quartier de Grenade). « II convient donc d’imposer aux prêtres, diacres ainsi qu’à l’ensemble des clercs de s’abstenir de toute relation sexuelle avec leurs épouses et de toute procréation. » Canon33. Il ne s’agit pas encore de célibat véritable. On n’exige pas que les prêtres renoncent au mariage ni qu’ils répudient leurs épouses. Ce n’était qu’une première étape. On estime que vers l’an 1000, la plupart des prêtres étaient encore mariés. Robert d’Arbrissel, le fondateur de la célèbre Abbaye de Fontevraud, était fils d’un prêtre, lui-même fils et petit-fils de prêtre ; c’était dans les années 1100. 

Pourquoi en effet vouloir faire d’un animateur de communauté un moine, c’est à dire quelqu’un qui a choisi à titre tout à fait personnel de s’engager dans une voie qui lui parait plus sanctifiante en pratiquant pauvreté, chasteté et obéissance à un supérieur ? N’y-a-t-il pas confusion entre fonction et style de vie ? Mais on a continué à vouloir calquer l’un sur l’autre. Surtout la hiérarchie a voulu préserver les biens d’église car d’une part l’église était riche de donations de rois, de princes, de seigneurs en tous genres qui prétendaient ainsi protéger leur avenir après la mort; on croirait entendre la parole de l’évangile lorsque ledit mauvais riche s’en va n’écoutant pas le conseil de jésus; il est écrit : « car il avait de grands biens ! » La richesse a une fonction particulière : elle ferme les oreilles ! les enfants de prêtres n’étaient plus alors des héritiers de leur père mais des bâtards !
On retrouvera la même conjoncture lorsque, à l’aube de la réforme grégorienne, les ordres religieux naissent en grand nombre : de 1086 à 1216, Chartreux, Prémontrés, Cisterciens à l’Abbaye de Cîteaux (qui essaima rapidement, 500 maisons en 1298), Franciscains, Dominicains… Les monastères s’érigent aux quatre coins de la chrétienté et particulièrement en France. Les grandes cathédrales et Basiliques poussent comme des champignons : Verdun, Vézelay, Vienne, Toulouse, Saint Denis, Notre Dame de Paris… Et la plupart des Papes sont alors des religieux. Les chrétiens de cette époque moyenâgeuse sont fortement sollicités pour se préparer dès ici-bas une place au Paradis ; les prédicateurs sont éloquents sur ce thème. Dans ce même esprit, les Princes aussi sont fortement conviés à donner à l’église une partie de leur patrimoine.
Il fallait évoquer cette conjonction historique pour comprendre l’impact de la Réforme grégorienne. Propulsée par des moines, elle aboutit naturellement aux fameux Conciles de Latran. En 1139, le Pape Innocent 2 franchit le pas juridique décisif : on ne se contenta pas d’interdire le mariage des prêtres en le rendant « illicite » ; on déclare simplement que toute union conjugale postérieure à l’ordination est nulle ; ce qui a pour effet indirect d’invalider rétroactivement les unions conjugales conclues précédemment en tout légalité. Etrange, non ? cette manière de faire vis à vis d’un acte dit indissoluble !  Déclarer non valide un mariage précédent ? N’importe quoi ! aucune loi n’a un effet effet rétroactif. Si ! En dictature !
En conséquence, on se refusa aussi d’ordonner des hommes qu’on savait mariés. Quelle époque ! Le pape récupère sur l’Empereur du saint Empire Romain Germanique la nomination des évêques et donc augmente son pouvoir sur eux (Concordat de Worms approuvé par le précédent Concile) ; les évêques augmentent aussi leur pouvoir de contrôle sur la vie des prêtres désormais contraints – en principe – au célibat.  Ce n’est pas un hasard si le grand schisme entre catholiques et orthodoxes survient à l’époque de la réforme grégorienne ; ces derniers avaient en effet décidé de garder un clergé marié ou non selon son choix.

Mais les réticences furent fortes et bien des légats pontificaux ou des évêques furent menacés physiquement lorsqu’ils allèrent défendre ces positions à la base. Le Pape lui-même fut traité ouvertement d’hérétique. Les mariages secrets, on pourrait dire familiaux, continuèrent ; si bien que le Concile de Trente, quatre siècles après, imagina un second système de contrôle : il devenait nécessaire de contracter une union conjugale en présence d’un prêtre territorialement compétent et de témoins ; cela n’était pas obligatoire jusque-là. Mais on raconte que l’évêque de Constance infligeait des amendes à ses prêtres chaque fois qu’ils avaient un enfant : c’était pourtant en 1521 !

Qu’en est-il aujourd’hui ? Aucune statistique ! David Weber, lui-même enfant de prêtre, parle de plusieurs milliers d’enfants de prêtres ou de religieux en Allemagne. Il a créé la fondation « Droits de l’homme pour Enfants de prêtres » « Menschenrechte für Priesterkinder ». En 2010, le journal anglais The Gardian, dans un article, avance un chiffre de 1.000 enfants nés de prêtres en Grande-Bretagne et en Irlande. Aujourd’hui on estime à 100.000 départs de prêtres entre 1960 et 2000.

Jamais je ne dirai ou supporterai que l’on dise que je suis un « enfant du péché ».

Ces condamnations, ces exclusions, ces méchancetés ne sont-elles pas un puissant révélateur d’un certain état d’esprit d’intolérance ? C’est le moins qu’on puisse dire ! Pourquoi en effet ne pas rejeter dans l’abime ceux qui ont osé transgresser les règles fixées par cette Eglise qui a La vérité, ‘qui ne peut ni se tromper ni nous tromper’, comme le disait le catéchisme ! Il ne faut pas s’étonner si cela a influé sur la vie du couple et donc sur le mental des enfants. Certains ont été très perturbés et le restent encore 20, 30 ans après. Nous avons recueilli certains témoignages. Plusieurs sont allés jusqu’au suicide !

 Aujourd’hui la volonté de lutter contre le cléricalisme apparait comme une ligne d’engagement fort ; elle passe assurément par une désacralisation du rôle du prêtre. Alors on appréciera ces arguments de choc du Cardinal Humbert, légat du Pape auprès des orthodoxes et qui, par sa rigueur, précipita la scission en 1054 ; il parlait des prêtres mariés comme « de jeunes époux épuisés par le plaisir charnel qui servent à l’autel ; puis, après leur service, retournent étreindre leurs femmes de leurs mains sanctifiées par le corps immaculé du Christ. » Un peu plus tard, le Pape Innocent 2, bénédictin, celui qui convoqua le Concile de Latran2, affirmait : « Les prêtres étant les Temples de Dieu, les réceptacles du Seigneur et les sanctuaires de l’Esprit Saint, ils font offense à leur dignité en prenant place dans des lits conjugaux et en vivant dans l’impureté. » Il parlait pourtant des prêtres régulièrement mariés à cette époque ! On est un peu surpris d’entendre parler d’impureté attachée à la vie conjugale, donc de souillure du prêtre par le mariage ! Obsession ! Une crispation sur la sexualité ! Augustin et sa concupiscence ont essaimé jusque-là ! On pourrait faire une litanie de citations de ce genre !
Cinq siècles plus tard, aujourd’hui même, on retrouvera en écho ces mêmes errements dans la manière dont sont perçus les amours de prêtres. Le discrédit jeté sur les « prêtres infidèles » aboutira quelques fois à des actions dont l’inhumanité nous bouleverse aujourd’hui. « Partez le plus vite possible et le plus loin possible. » Tel était à l’époque, et quelques fois encore aujourd’hui, le refrain ne varietur de certains évêques à des prêtres amoureux. A un couple venu lui annoncer leur intention de se marier, un évêque (aujourd’hui heureusement à la retraite !) ne leur a-t-il pas jeté ce couplet de condamnation : « Je vous le dis. Vous irez bruler en enfer. »  (Diantre ! ça existe encore ?)
Tel ami, aujourd’hui prêtre marié, a même été interdit d’assister à l’enterrement de son père : la famille, des bons chrétiens, en avait ainsi décidé ! Un ancien confrère n’avait-il pas déconseillé fortement à sa mère de le recevoir chez elle : « Ce serait approuver son acte ! »( [2]) C’est beau quand même la fraternité sacerdotale !
Pa contre, un couple, qui souhaitait rencontrer l’évêque du prêtre, se fait inviter par lui à prendre le petit-déjeuner. La femme, visiblement surprise, raconte : « Il s’est intéressé à mon travail ; il s’est soucié du travail que Bertrand devrait trouver. » Au moment de se quitter, il a simplement dit : « Aimez-vous et soyez heureux. » L’évêque siégeait à Evreux ; il s’appelait Jacques Gaillot. ([3]) Il était donc possible d’agir autrement ?
« Personne de ma famille n’a connu mon existence, dit Agnès ([4]), jusqu’à ce que je fasse paraître un article dans le journal local pour raconter mon histoire. » Sa mère, orpheline, avait été recueillie par des religieuses et, pour les remercier, elle s’est sentie en demeure de prendre le voile. Son père, curé de paroisse, n’a jamais voulu quitter son ministère. « Quand elle me parlait de mon père, ma mère me disait qu’il était prof de français. Ce n’est que vers l’âge de vingt ans que la vérité m’a été dévoilée. »
« Ce que je retiens de cette histoire, dit Agnès, c’est que je suis un enfant de l’amour, l’enfant de deux êtres qui se sont aimés passionnément, même si on leur en a refusé le droit.
————–
Habemus papa !

« – Il fait quoi comme métier ton papa ?

– Je ne sais pas.

– Il a quel âge ton papa ?

– Je ne sais pas.

– Il a quoi comme voiture ton papa ?

– Je ne sais pas.

– Tu ne le connais pas, ton papa ?

– Non.

– Eh bien, alors, tu n’as pas de papa.

– ….. Je découvre alors que je ne suis pas comme les autres. J’ai 4 ans.

– Maman, il est où papa ?

– …. (Dans son silence, une larme perle au coin de son œil)

– Maman, pourquoi papa est parti ?

– …. (Dans son silence, une tristesse profonde se lit dans son regard)

– Maman, pourquoi je n’ai pas de papa ?

– … (Dans son silence, une détresse s’échappe de tout son être)

Je découvre alors que je n’aurai aucune réponse de maman. J’ai 4 ans.

A partir de ces instants, la solitude et le silence sont entrés dans ma vie.

Je n’ai connu ni l’insouciance, ni l’innocence de la petite enfance.

Papa, ou es-tu ? Pourquoi m’as-tu abandonnée ? » … ([5])

Mais où est-il donc ce père que l’enfant appelle à grand cri ? Où sont-ils ces pères ?
Il sont quelque part, dans une paroisse, en train de prêcher, de baptiser, de confesser. En train de prêcher l’amour fraternel, le souci du prochain, la priorité aux plus pauvres ! Lui, il a choisi de continuer son ministère. Il n’a même rien dit à son évêque. Pour découvrir que son père est un prêtre, Marie devra longtemps insister auprès de sa mère pour briser le silence. Elle a alors 30 ans ! Pendant 30 ans elle aura été privée de l’amour et du soutien paternels, privée aussi de connaître ses origines.
« Secret de famille et poids du silence, deux paramètres de mon existence qui ont entravé pendant 42 ans et demi le développement de ma personnalité profonde et son épanouissement, dit Anne Oxford. Un silence lourd et pesant, un silence insidieux, un poids que j’ai porté tout au long de ces années et qui peu à peu se dissipe depuis la révélation en 2014.»[6] On sait comment cette connaissance entre dans la construction de l’identité de l’enfant, notamment en le situant dans une lignée, avec une place dans la succession des générations. A qui je ressemble ? cette tendance que j’ai, me vient-elle de mon père ? Et cette capacité que je me découvre, est-ce un héritage de lui ? Les autres portent le nom de leur père. Moi, je n’ai pas de père. Je porte le nom de ma mère… Mais la mère ne disait rien... Sans parler quelques fois des railleries de copains malveillants !

Quelque part en Afrique, dans l’un des pays de l’ouest, une femme élève ses jumeaux, une fille et un garçon. Que du bonheur ! Sauf que cette femme est seule. Ils ont 3 ans aujourd’hui. Un missionnaire venu d’un pays d’Europe pour y prêcher l’évangile a été précipitamment rapatrié. Après la naissance, son supérieur est venu voir la mère; en fait c’était, dit-elle, « pour voir la tête des enfants et se rendre compte s’ils ressemblaient au Père P. »! Mais depuis, aucune nouvelle de personne et la mère ne sait plus à qui s’adresser pour obtenir l’aide qu’on lui doit. Au moins le minimum pour élever ses jumeaux !! Combien sont-elles dans ce cas ? Ils ont oublié que cet enfant c’est le leur, la chair de leur chair ! Et cette femme, c’est celle avec qui ils ont passé quelques moments heureux, ou peut-être seulement quelques bons moments ! Amour ou bonheur furtifs mais stoppés un jour… parce que, entre eux, venait de prendre place un enfant !
Lui, il a voulu continuer son ministère. Il y réussit ; ses sermons sont écoutés, commentés. Il dirige la chorale, peut-être ; c’est un bon prêtre, généreux, pas avare de son temps, attentif et à l’écoute. De ce côté-là, rien à dire. Il a souhaité continuer « son » ministère. Rien à redire non plus. Mais cette relation avec une femme et cet enfant, pourquoi les avoir oubliés ? Contradiction ? Anomalie ? Hypocrisie ?
Dans certains cas, il y quelques dizaines d’années, l’église s’était même engagée à fournir à la mère une aide financière pour élever l’enfant mais sur le contrat, la mère devait s’engager à ne jamais révéler à l’enfant ni à quiconque le nom du père. Heureusement ce type de contrat a été abandonné. Afin d’éviter les procédures judiciaires qui permettraient aux mères de réclamer des pensions alimentaires grâce aux tests ADN, il avait été un temps question de proposer un contrat civil. L’enfant serait assuré de recevoir l’héritage de son père et il pourrait en porter le nom, ce qui est encore impossible aujourd’hui, à moins que le père décide de quitter son ministère.
Ailleurs il est arrivé que l’évêque, recevant le couple, leur délivre le sort réservé à chacun : Votre enfant, nous le confierons à des organismes qui l’élèveront et le feront adopter. Et vous, M. l’abbé, je vais vous nommer dans une autre paroisse loin de là, peut-être même dans un autre diocèse. Lors d’un de ces entretiens, la mère a poussé un cri :« Mais c’est mon enfant. Pas question de me l’enlever ! »

Chez Luc, c’est d’abord le regard, noir comme la réglisse, qui accroche. Il a 5 ans lorsque sa mère lui révèle que son père porte l’habit. Elle lui parle de cet amour fou qui l’a liée à ce brillant intellectuel dominicain, de vingt ans son aîné. Les mensonges, les hypocrisies de l’institution, Catherine les garde pour elle. Elle n’évoque pas non plus les trois frères de la congrégation venus rendre visite à ses parents peu après son accouchement pour leur demander de garder le silence, « en bons chrétiens ». Elle « lègue » le secret familial à son fils, avec le mode d’emploi: « Pour les catholiques, un prêtre ne peut pas avoir d’enfants ; alors, à eux, il ne faut pas le dire, tu sais. Les autres peuvent savoir. » Pas la peine d’en rajouter: Luc a tout compris. Lorsqu’une tête inconnue se présente à la maison, il se tourne vers sa mère en chuchotant: « Et à celui-là, on peut le dire? » 

Le père de Léa était jésuite, professeur de philosophie. Il a un jour croisé le regard vert d’une jeune professeur de lettres. Amoureux il a choisi de démissionner et de quitter les ordres, dans les formes, laborieusement mais dans les formes. Il en sort « nu », sans aucun pécule, sans aucun secours. Il retrouve un poste dans l’enseignement catholique. Léa raconte : « Très vite, des rumeurs courent sur son compte: il serait un défroqué, il aurait quitté les ordres pour se marier et enfanter. Les parents d’élèves et l’administration commencent alors à lui mener la vie dure ; il se voit éjecté de son poste, avec beaucoup de violence…  Mon père persévère dans le choix de cette fonction, dans un autre établissement catholique, comme s’il n’avait pas eu assez mal, comme s’il ne comprenait pas, avec ce premier avertissement. Le même phénomène se reproduit ; je m’en souviens, car je suis alors une petite fille un peu plus âgée, et ces souvenirs résonnent toujours de façon aigüe et douloureuse dans ma tête. Nous recevons des lettres et des coups de fils anonymes, des menaces de mort : on nous envoie des lettres avec des excréments dedans, ma mère me retrouve dans ma poussette avec un sac poubelle posé sur mes genoux. Un matin, nous sortons dans le jardin, et constatons avec effroi que le jardin a été saccagé, les fleurs déracinées. Je me souviendrai toujours du regard de mon père, ce jour-là. Notre chatte, qui avait fait des petits quelques jours avant, est retrouvée morte, empoisonnée par des voisins.  L’atmosphère est délétère, je me souviens de l’angoisse de mes parents et de la solitude dans laquelle nous nous trouvions enfermés. Par mesure de sécurité, je suis retirée de l’école maternelle. Je ne comprends pas pourquoi. Je reste à la maison, je m’ennuie. Notre nom de famille présentant, en outre, des consonances étrangères, des insultes racistes s’ajoutent au tableau. Pour la famille maternelle, mon frère et moi sommes les « enfants du diable ». Ma mère perd pied, et, bien plus tard, me dira avec colère: « Ton père n’était pas destiné à être père, il n’aurait pas dû avoir d’enfant. » Dont acte.

Ma vie sera, je pense, à tout jamais marquée par cette violence qui a été faite à cet homme dont la seule envie a été de se marier et d’avoir des enfants. Violence qui s’est répercutée sur sa femme et sur ses enfants. Désormais, je suis fragile, et souvent, j’endosse avec souffrance le pyjama bleu portant le matricule F45TG89U, à l’hôpital psychiatrique, pour tenter d’apaiser une ‘dépression résistante et majeure’ aux dires des médecins. La Messe est dite ! »( [7])
Un cas extrême de rejet par la société des chrétiens mais ce n’est pas un cas isolé. Avec des conséquences catastrophiques sur la vie du couple, et qui rejaillissent sur la vie des enfants car cela se prolonge, malheureusement, jusque loin dans leur vie. En quoi cette exclusion est-elle justifiée ?
Léa raconte par ailleurs la recherche qu’elle a souhaitée faire de la vie et de l’œuvre de son père, comme bien des enfants dans ce cas. Elle s’est rendue au couvent jésuite où il logeait. La réponse qu’elle reçoit nous laisse perplexe : « On me répond que lorsqu’un frère quitte les ordres, tous les documents relatifs à sa vie de frère sont systématiquement détruits, fiche d’identité, mémoires d’études, cartes… « Monsieur X, pour nous, n’a jamais existé. » Il y avait travaillé pendant 20 ans comme professeur de philosophie !

Un prêtre, aujourd’hui marié, témoigne : «D’une manière certainement moins douloureuse mais cependant marquante à vie, notre fille a souffert de ce silence qui était comme “obligé” pour nous ses parents : mon épouse, Marianne, était alors enseignante dans une école catholique  et personne ne savait notre passé mais dans notre département d’origine, le vicaire épiscopal du secteur avait pratiquement dit à Marianne de quitter le diocèse si elle voulait retrouver du travail dans l’enseignement catholique ! Malheureusement elle n’avait pas les diplômes suffisants pour enseigner dans le public… Le Directeur diocésain de notre nouveau domicile avait accepté de lui donner un poste mais elle devait rester discrète… Alors nous avons demandé à notre fille qui était dans l’école de mon épouse, de ne pas parler du passé de son père… Même si elle savait ce passé, dès qu’elle a pu comprendre, cette imposition du “silence” l’a beaucoup marquée; elle ne nous l’a dit que bien des années plus tard… »

Certains enfants traumatisés par ce qu’ils ont enduré n’ont jamais voulu avoir d’enfants. « Je n’ai pas voulu donner à mon enfant le même destin de discrimination qui a été le mien. Il fallait que le cycle des préjugés soit coupé. C’est pour cela que j’ai décidé de ne pas être enceinte. A cette occasion, mon mari a choisi le divorce. » [8]

Pendant des siècles la loi du silence a pesé sur un fait de société bien connu mais volontairement caché par l’Eglise catholique : l’existence d’enfants engendrés par des prêtres malgré l’interdiction qui leur est faite depuis le XIIe siècle de s’unir à une femme et de procréer. Cette règle contre nature, et les problèmes qu’elle soulève, est de plus en plus souvent évoquée dans les médias et même dans l’Eglise. Aujourd’hui ce sont des enfants de prêtres qui décident de « briser le silence » et de parler de leur expérience. Ces témoignages bouleversants ainsi recueillis parmi les adhérents de l’Association « Enfants du Silence » démontrent que l’on ne peut sortir indemne de telles situations malgré la foi et l’espérance dont certains témoignent.
En 2014, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a appelé le Vatican à « estimer le nombre d’enfants des prêtres catholiques, à savoir qui ils sont, et à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les droits de ces enfants de connaître et de recevoir les soins de leurs parents soient respectés. » Il est tout de même surprenant que ce soit un organisme extérieur qui rappelle à cette église ses devoirs !  Ce n’est pas le seul cas. Surprenant mais compréhensible si on considère que le cléricalisme enferme cette église sur elle-même, en faussant les jugements, un entre-soi qui brouille le sens du réel ; d’autant plus qu’il se double d’une structure pyramidale assez imperméable aux cris de la base. 
Que sera l’avenir ? Au-delà du comportement même de cette hiérarchie patriarcale et pyramidale [9] et des grandes décisions annoncées concernant l’ordination d’hommes mariés dans les régions les plus sinistrées (l’Amazonie entre autres), ce qui nous apparait primordial n’est-il pas de privilégier les communautés à la base et de s’interroger : de quoi ont-elles besoin pour vivre, pour se développer et apporter à la société le désir et la force de la paix, de la justice, de la solidarité. La question du la vie en couple des animateurs deviendra alors secondaire et le choix sera laissé à ceux qui seront authentifiés par elles-mêmes en premier, pour les accompagner. Comme au début !
Aujourd’hui nous voulons formuler plusieurs préconisations :

  1. Que les évêques soient accueillants lorsqu’un prêtre vient leur annoncer qu’il fréquente une femme, ou qu’elle est enceinte, ou qu’ils ont déjà un enfant. Il est évident que le prêtre redoute cet entretien. Qu’il puisse rencontrer une oreille attentive et non une condamnation, une menace d’exclusion ou une leçon de morale. Quoi de plus naturel que l’évêque aide le prêtre à reconnaître sa pleine responsabilité vis à vis de l’enfant né ou à naître, et ce jusqu’à sa majorité. Comme le Pape François les y invitait lui-même : «  L’attention prioritaire de la part du prêtre doit être dirigée vers la descendance ».

Et qui dit responsabilité dit aussi bien affection que accompagnement et soutien financier. De même par rapport à la mère de l’enfant. 

2. Que les évêques envisagent alors avec eux l’avenir. Qu’ils s’informent en premier de la manière dont le prêtre l’envisage lui-même : soit continuer dans un Ministère, celui qu’il assumait auparavant ou un autre, même administratif, selon les besoins du diocèse, et dans la discrétion, s’il le souhaite, soit quitter son ministère. Mais avec quelles ressources, retraite comprise ? La décision restant évidemment aujourd’hui encore à la concertation avec le seul évêque ; mais on peut aussi souhaiter que les paroissiens ou autres laïcs puissent être consultés. Que le prêtre en question ne soit pas nécessairement envoyé dans un autre diocèse ou « le plus loin possible », comme on l’a entendu si souvent, voire sur un autre continent, avec la conséquence de mettre une grande distance entre lui et son enfant.

3. Qu’il ne soit jamais imposé à la mère l’obligation de taire à jamais le nom de son père à l’enfant ou à des tiers, même si le diocèse accepte par contrat de prendre en charge des frais complémentaires pour l’éducation de l’enfant. Que les évêques et les prêtres en fonction reconnaissent donc les droits de l’enfant qui sont à la base de nos sociétés : droit de connaître son père biologique, droit d’avoir un contact ouvert avec lui, droit de recevoir un soutien qui ne soit pas lié à des conditions, et droit d’hériter de son père. Que les discriminations que subissent les enfants de prêtres soient ainsi abolies car celles-ci peuvent avoir des conséquences majeures dans sa vie de jeune et d’adulte.

4. En matière financière, on pourrait s’inspirer entre autres du modèle irlandais. : les évêques y ont élaboré des principes de responsabilité pour les prêtres en situation de paternité. Le document enjoint notamment les ecclésiastiques à assumer leurs devoirs moraux, financiers, personnels et légaux. Il exhorte également à placer avant toute autre considération le bien-être de l’enfant et de la mère. Les évêques se sont engagés à payer les frais de conseil et de soins pour l’enfant. Un psychothérapeute irlandais, lui-même fils d’un prêtre, Vincent Doyle, a créé une ressource en ligne, « Coping International », qui propose une assistance aux enfants des prêtres, qui souffrent souvent de dépression, d’anxiété et d’autres problèmes de santé mentale imputés au silence que l’Église leur impose. Lui-même a eu connaissance de ses origines à l’âge de 28 ans ! Son Site est en partie financé par l’église catholique[10].

5. Que les évêques prennent un peu plus au sérieux l’opinion des chrétiens qui ne sont pas troublés par de tels comportements de la part d’un prêtre qu’ils estiment pour le travail pastoral réalisé avec eux. La société évolue ; les opinions et l’intelligence des évangiles aussi. Et les chrétiens sont de moins en moins sensibles aux diktats dogmatiques !

6. A l’heure où nous écrivons, nous apprenons que le Vatican aurait donné des directives concernant les prêtres papa. Le Cardinal Silva, préfet de la congrégation du clergé avait parlé d’accélérer les demandes de retour à l’état laïc « de façon à ce que le prêtre puisse se rendre disponible auprès de la mère pour suivre sa progéniture. » On pourrait aussi prendre le problème par un autre bout !
Les quelques échos que nous en avons aujourd’hui ne nous permettent pas encore d’apprécier ces « directives ». Pourquoi ne laisser que des bribes d’information fuiter dans les Media : « Si l’enfant a moins de 18 ans,… si l’enfant a plus de 30 ans… » Et s’il a entre 18 et 30 ? D’abord privilégier le bien de l’enfant, nous dit-on ; on ne peut qu’approuver. Mais le bien du prêtre ? Rien de comparable avec un mouchoir jetable ! Pas encore très clair ! On y reviendra.

La plupart de ces témoignages sont extraits du livre publié récemment par l’Association Enfants du silence « Douze Enfants de prêtres témoignent ». Sans a priori, sans jugement, il s’agit de prendre acte, faire face à la situation, écouter et s’interroger. Cette Association, créée en 2012, se tient à l’écoute de tous ces enfants en difficulté du fait des tracas infligés à leurs parents, souvent par des gens d’église ou par de « bons chrétiens » croyant défendre l’Institution ; certains,  prêtres ou même évêques, ne sont-ils pas allés jusqu’à empêcher le prêtre parti (ou même la mère) d’avoir accès à certains emplois ! Comment justifier de tels comportements au limite de l’inhumain, comme on l’a vu ? On serait tenté de faire le rapprochement avec d’autres faits plus récents où on a aussi voulu sauver l’honneur de l’institution en tenant sous silence des crimes d’abus sexuels ! Préjugés et comportements inadaptés en contradiction totale avec un esprit de tolérance et de bienveillance, plus proches de comportements de secte ! Au lieu de sauver l’institution, ils n’ont fait que l’enfoncer !
Par l’intermédiaire du Site (enfantsdusilenceblog.wordpress.com/), EDS se tient aussi à l’écoute de ces mères laissées pour compte.
Peu nombreux sont les enfants de prêtres ou de religieux et religieuses qui acceptent de témoigner. Lorsqu’ils racontent leur histoire, on trouve cela bizarre dans une société aujourd’hui de plus en plus sécularisée. Que d’histoires pour une naissance !  Mais à y regarder de plus près, on ne peut qu’être surpris de la souffrance extrême qui s’exprime alors. Pourquoi cette souffrance ? Quoi de plus beau que d’avoir reçu la vie ? « Oui, mais voilà, dit une enfant de prêtre, cette vie, je l’ai reçue d’une ‘transgression’. Et on a fait payer très cher mes parents pour cette transgression. C’est comme si on voulait me renvoyer au néant. Nous n’aurions pas dû naître ! »

Fort heureusement, bien d’autres enfants de prêtres n’ont pas eu ces problèmes, notamment sur le secret de leurs origines ni avec des tracasseries faites à leurs parents. Le père, parfois clandestinement, avait alors gardé relation avec eux, notamment grâce à Skype, ou bien le père avait fait le choix de mettre fin à son ministère dans de bonnes conditions de départ.

« Les blessures qui ne se voient pas
Nous font du mal bien plus que toutes les autres
On les enferme au fond de soi
Mais c’est toute une vie qu’on les supporte ?… »

Ouvrages de témoignages récents :
Le Droit d’aimer, Anne Marie Mariani , Ed. J’ai lu
Moi, fille de prêtre, Anne Oxford, Ed. du Cigne 2008
Il n’est pas trop tard, ma fille. Delphine Messadi-Degiez. Ed. Les auteurs libres 2018



[1]  https://fr.aleteia.org/2018/02/10/qui-fut-le-premier-ermite-chretien/

[2] Douze Enfants de prêtres témoignent. Ed. Livres en Seyne p.169

[3] Des compagnes de prêtres témoignent. Plein Jour.  Ed. Golias p. 371

[4] Douze Enfants de prêtres témoignent. Ed. Livres en Seyne p. 104

[5] « Douze Enfants de prêtres témoignent » Enfants du Silence. Ed Livres en Seyne p. 139

[6] Anne Oxford. Ibidem p.109

[7] Extrait de Douze Enfants de prêtres témoignent. Ed. Livres en ligne p.20

[8] Ibidem p. 70

[9] Nos frères anglicans n’ont pas cette structure d’église centralisée. Les grandes orientations et décisions sont prises par vote majoritaire au sein de chacun des 3 collèges : celui des évêques, celui des prêtres et celui des laïcs. Il s’agit pourtant d’interpréter le même évangile ! 

[10] Voir Site EDS https://enfantsdusilenceblog.wordpress.com/2017/01/25/irlande-payer-le…fants-de-pretres/

Union d’homosexuels : Rébellion face au Vatican ?

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La réponse négative de la Congrégation vaticane pour la doctrine de la foi du 15 mars dernier sur les bénédictions des unions homosexuelles a suscité des réactions dans le monde entier, y compris parmi les évêques. À contrecourant de l’enseignement de François, les responsables de l’ancien Saint-Office rappellent que « l’homosexualité est un péché ».
Un changement de ton qui inquiète de nombreux croyants.

Au sein de la communauté chrétienne, des réactions se font entendre 
Pour l’association David et Jonathan, c’est nier le travail pastoral conduit dans près du tiers des diocèses pour accompagner spirituellement les personnes homosexuelles, notamment lorsqu’elles demandent de placer leur union sous le regard de Dieu.
Pour Isabelle Parmentier, théologienne, membre de la pastorale des familles du diocèse de Poitiers, « il s’agit d’un camouflet à l’exhortation Amoris Lætitia et… à l’Évangile ».
Pour notre centre pastoral, c’est une pratique qu’accompagne notre communauté par la solidité d’une préparation à cette union avec d’autres fiancés et une liturgie appropriée.

Des évêques ont réagi
L’Evêché de St-Gall (Suisse) s’est positionné contre la ligne du Vatican car « l’Église catholique ne doit exclure personne dans ce domaine ». La congrégation « se fait la contrôleuse de qui peut recevoir ou non la bénédiction de Dieu – cela est inadéquat et faux », réplique le directeur du service pastoral Franz Kreissl. 
C’est aussi la contestation du président des évêques allemand Mgr Georg Bätzing (alors que le chemin synodal engagé traite avec ouverture ces questions) et celle du Cardinal Blase Cupich, archevêque de Chicago, de l’archevêque de Brisbane et bien d’autres, jugeant ce texte blessant et maladroit. Le bureau national du conseil Famille et société de la Conférence Episcopale de France réagit par la voix de Mgr Bruno Fellet, évêque auxiliaire de Reims, qui regrette l’amalgame entre homosexualité et péché.

Parmi ces prises de position, celle de la Conférence Épiscopale de Belgique sur le site Cathobel : « Depuis de nombreuses années, l’Église catholique de notre pays, à tous ses niveaux (évêques, prêtres, diacres et collaborateurs pastoraux, théologiens, scientifiques, politiciens et travailleurs sociaux) œuvre avec d’autres acteurs sociaux, à un climat de respect, de reconnaissance et d’intégration… Les évêques encouragent leurs collaborateurs à poursuivre dans cette voie. Ils se sentent soutenus par l’Exhortation Amoris Laetitia ».
Mgr Johan Bonny, évêque du diocèse d’Anvers, et vice-président de la Conférence Épiscopale de Belgique, y développe une solide argumentation, dans la logique du synode sur la famille. Car « au présent ‘responsum’ manque le souci pastoral, le fondement scientifique, la nuance théologique et la précaution éthique », non sans rappeler que pour lui « le projet de Dieu est que ses enfants soient heureux ». Il y formule une conclusion inquiète : « Le document mine la crédibilité tant de la voie synodale fortement prônée par le pape François que de l’année de travail annoncée avec Amoris laetitia. Ce ‘responsum’ ne donne pas l’exemple d’un cheminement en commun. Le véritable synode, veut-t-il se lever ? » Vraie question pour l’année 2022.

Lire le très riche argumentaire de Mgr Bonny en entier

CathobelDavid et JonathanIsabelle Parmentier / Mgr Bonny Unions sexuelles au Vatican
saintmerry-hors-les-murs.com/2021/03/24/benedictions-dunions-homosexuelles-niet-du-vatican/?utm_source=mailpoet&utm_medium=email&utm_campaign=saint-merry-hors-les-murs-lettre-d-info-n-2

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Bénédictions des couples homosexuels,
le cardinal Schönborn critique une note qui « blesse profondément »

Les faits

Dans un entretien au journal « Der SONNTAG », mercredi 24 mars, l’influent cardinal autrichien Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, s’est élevé contre la note publiée lundi 15 mars par la Congrégation pour la doctrine de la foi déclarant « illicite toute forme de bénédiction » d’unions homosexuelles.

  • Arnaud Bevilacqua,
  • le 25/03/2021 à 16:12
Bénédictions des couples homosexuels, le cardinal Schönborn critique une note qui « blesse profondément »

L’archevêque de Vienne n’a pas hésité, avec des mots choisis, à exprimer son malaise. HEINZ-PETER BADER/REUTERS

Le cardinal autrichien Christoph Schönborn n’a pas apprécié la note publiée lundi 15 mars par la Congrégation pour la doctrine de la foi interdisant aux prêtres de bénir les couples homosexuels. Et il l’affirme haut et fort.

« Une mère ne refusera pas la bénédiction »

Dans un entretien au journal Der SONNTAG, mercredi 24 mars, l’archevêque de Vienne n’a pas hésité, avec des mots choisis, à exprimer son malaise. Il a assuré n’être « pas content » de cette note car le message qui en a été retenu de par le monde n’était qu’un « non », « et c’est quelque chose qui blesse profondément beaucoup de gens ».

Bénédictions des couples homosexuels : le pape contre la Curie ?

Bénédictions des couples homosexuels : le pape contre la Curie ?

L’archevêque de Vienne, qui a atteint l’âge de 75 ans en janvier 2020, mais qui a été maintenu à sa charge « jusqu’à nouvel ordre », a démissionné le 17 mars de la même année de la présidence de la Conférence épiscopale autrichienne, après vingt-deux années à la tête des évêques de son pays. Il n’en reste pas moins une figure majeure de l’épiscopat européen.

 « De nombreuses mères bénissent leurs enfants. Ma mère le fait encore à ce jour. Je ne quitte pas la maison sans qu’elle me bénisse, a raconté le cardinal Schönborn, 76 ans. Une mère ne refusera pas la bénédiction même si son fils ou sa fille connaît une vie troublée. Au contraire. (…) Les parents, surtout s’ils sont croyants, ne refuseront pas de donner leur bénédiction à ce fils ou à cette fille. »

L’Église, « avant tout une mère »

Partant de cette situation familiale concrète, il a appliqué sa démonstration à l’Église universelle, « mère et institutrice ». « Elle doit enseigner, mais c’est avant tout une mère, a-t-il souligné. Et beaucoup d’homosexuels sont particulièrement sensibles à cette question : «l’Église est-elle une mère pour nous ?» » Ce qui explique, pour lui, que cette déclaration de la Congrégation pour la doctrine de la foi ait « frappé beaucoup de gens d’une manière particulièrement douloureuse, parce qu’ils ont le sentiment d’être rejetés par l’Église ».

Selon l’archevêque de Vienne, cette note est passée à côté de son objectif qui était de souligner la force et la beauté du « mariage sacramentel, qui est devenu presque une rareté dans le monde d’aujourd’hui », « l’alliance d’un homme et d’une femme » qui est « quelque chose de grand et de saint ».

Différence avec le mariage sacramentel

À cet effet, il assure comprendre la « préoccupation légitime » de la Congrégation pour la doctrine de la foi de veiller à éviter une confusion. Toutefois, le dominicain ne souhaite pas que cela devienne une raison d’exclure ceux qui vivent une union différente que le mariage sacramentel.

Le cardinal Schönborn n’élude pas non plus l’épineuse question de la bénédiction des couples de même sexe et en appelle au discernement. « Si la demande de bénédiction n’est pas un spectacle », « une sorte de rite extérieur » mais « si la demande de bénédiction est honnête », elle ne peut leur être refusée, même si, précise-t-il, « en tant que prêtre ou évêque, je dois dire : «Vous n’avez pas réalisé tout l’idéal» ». Il poursuit, en affirmant que selon lui, son devoir est également de faire savoir aux couples demandant un geste de l’Église qu’« il est important que vous viviez votre chemin sur la base des vertus humaines, sans lesquelles aucune relation ne peut réussir. Et cela mérite une bénédiction

Un Jésus célibataire oblige-t-il un prêtre au célibat ?

Publié le Mis à jour le

« Doit-on imposer au prêtre d’être célibataire au motif que Jésus aurait choisi de rester célibataire ? » 

(Version corrigée et augmentée)

N.B. Article un peu long. Ne vous découragez pas.
Vous ne devriez pas le regretter !

Par quels arguments justifie-t-on aujourd’hui encore le célibat des prêtres ?
L’un de ceux-ci, le plus enraciné peut-être : Parce que Jésus était célibataire. Et on sous-entend « le prêtre est un autre christ. » Question discutable mais nous ne chercherons même pas ici à en discuter ni même à savoir si effectivement Jésus était célibataire ; certains chercheurs pensent que ses relations avec Marie-Madeleine viennent perturber cette affirmation. Nous examinerons un autre aspect ; nous nous interrogerons sur la question : en admettant qu’il en soit ainsi, pourquoi donc Jésus était-il célibataire ? En effet si les hiérarques de cette église catholique romaine nous affirment qu’ils veulent maintenir cette discipline du célibat (discipline mais pas dogme, nous répète-t-on, fort justement d’ailleurs !) et pour ce motif-là, il est vital de savoir pourquoi Jésus était célibataire. Remarquons toutefois que les frères des églises orientales ainsi que les frères de l’église orthodoxe et les frères de l’église protestante unie – qui n’en sont pas moins chrétiens, disciples du même Jésus -, ont de lui une autre conception puisque leur clergé ou leurs pasteurs ne sont pas tenus au célibat.
Traquons les indices dans les sources dont nous disposons.
Dans l’évangile de Marc, il est raconté ceci ; Jésus va le jour du sabbat dans le synagogue de Nazareth, le pays où il a grandi ; il fait la lecture d’Isaïe puis il la commente. Beaucoup sont étonnés de sa sagesse : « N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie ? » (Mc 6/3) Cette manière de parler est tout à fait inhabituelle. Un bon juif est toujours référencé par rapport à son père, non à sa mère ; on le verra notamment lorsqu’on parlera de généalogie. A travers Marc, on retrouve en permanence ce type d’expression. Lorsque Jésus appelle des disciples, ils sont désignés par leur filiation paternelle : « Lévi, fils d’Alphée ». (Mc2/14) Ou encore, «Il vit Jacques, fils de Zébédée.» (Mc 1/19) Simon, rebaptisé Pierre, est ‘bar Jonas’, fils de Jonas. Jean est aussi fils de Zébédée…
L’expression « Jésus, fils de Marie », ce sont les gens de Nazareth, le village ou le hameau où il a vécu toute son enfance, et même jusqu’à 30 ans, qui l’utilisent ici ; Ils connaissaient bien la famille, évidemment, depuis 30 ans ! Ils s’étonnent d’ailleurs de l’entendre parler si doctoralement dans leur synagogue. « N’est-ce pas le frère de Jacques, de Joseph, de Jude et de Simon ? Et ses sœurs ne sont-elles pas parmi nous ? » (Mc 6/3) Or, on sait que l’évangile de Marc est le plus ancien des évangiles, donc le plus proche de l’époque de Jésus. Pourquoi donc cette appellation insolite « Jésus, le fils de Marie » et non le fils d’un homme ?

Dans l’évangile selon Jean, alors qu’il est sur l’esplanade du temple de Jérusalem, les scribes et les pharisiens lui amènent une femme prise en flagrant délit d’adultère. « Faut-il la lapider comme le demande la loi de Moïse. Qu’en dis-tu ? » A cette occasion, ils lui lâchent qu’ils ne croient pas à son témoignage : « Ton témoignage ne vaut pas. » Pourquoi ? Mystère ! Et plus loin, ils lui posent cette question « Où est ton père ? » (Jn 8/3) Jésus essaie de les convaincre qu’ils sont dans le péché parce qu’ils ne croient pas ce qu’il leur dit de la part de son père. Ses opposants lui lancent alors « Nous, nous ne sommes pas nés de la prostitution. » (Jn 8/41) Des rumeurs circulaient-elles déjà  à l’époque de Marc sur sa naissance ?

A Béthanie, près de Jérusalem, Marthe va à la rencontre de Jésus venu dès qu’il a appris de la mort de son frère. Puis elle vint chercher sa sœur Marie : « le Maître t’appelle ». (Jn 11/28) Un peu plus tard, mais toujours rapporté par Jean (Jn 13/13), Jésus se reconnaît lui-même comme « Maître » auprès de ses disciples. Après leur avoir lavé les pieds, Jésus leur dit « Vous m’appelez Maître et Seigneur ; et vous dites bien, car je le suis… » Mais, contraste, il fait un geste où il joue le rôle du serviteur, de l’esclave, celui qui lave les pieds. Or, à l’époque, un Rabbi, un Maître, se devait d’être marié et ce, pour des raisons idéologiques. Il devait d’abord donner l’exemple et même avoir une grande famille ; cette abondance était le signe de la bénédiction et de la grande largesse de Yahvé. Un rabbi célibataire, ça ne se fait pas ! Ce n’est pas dans la tradition juive. C’est hors norme. Pourquoi Jésus, Maître, Rabbi, est-il resté célibataire ?

Dès les premières lignes de son récit de vie (1/18), Matthieu affiche une en-tête très explicite : « Voici quelle fut l’origine de Jésus. » Puis il enchaîne par un bref récit sur lequel on saute allégrement, et qui est pourtant unique : Joseph est très secoué par ce qu’il vient de découvrir ; Il est alors fiancé à Marie, ce qui à l’époque les fait considérer comme de vrais époux, mais il n’a pas encore habité avec elle. Or voilà que la jeune fille est trouvée enceinte ; »trouvée » par qui ? une jeune-fille fiancée est trouvée enceinte alors qu’elle habite encore chez ses parents. On imagine mal l’étonnement, la stupeur, l’indignation de Joseph. La tradition nous l’a représenté comme un vieillard chargé comme d’une tutelle sur Marie; rien de tout cela dans les récits évangéliques. Marie enceinte : de quoi s’agit-il ? Un viol ? S’est-elle prostituée ? En tous cas nul ne sait qui est le père biologique. En tous cas une infidélité à la promesse. Le fait est certainement perçu par l’entourage comme une chose scandaleuse. Pour le jeune couple, c’est une catastrophe ! La découverte de cette grossesse pour le moins inattendue donnait droit à Monsieur Joseph de porter publiquement plainte. La Loi juive lui donnait le droit d’accuser publiquement la jeune-fille : je ne l’ai pas trouvée vierge. Et la peine encourue par la jeune-fille n’était pas moins que la mort par lapidation. Adultère signifie mort, nous l’avons même entendu plus haut de la bouche des scribes et des pharisiens. Joseph envisage alors plusieurs hypothèses, nous est-il dit. Il veut éviter à sa fiancée, présumée infidèle, la honte de rendre public le fait qu’elle ait été enceinte avant leur mariage. Joseph ne veut pas la diffamer publiquement. En cas d’adultère, la loi juive autorise le divorce. Joseph envisage alors une répudiation, mais secrète. Matthieu, dans son récit, considère qu’il a agi en cela comme un homme « juste », donc un homme fidèle à la loi. Mais le Deutéronome (24/1) oblige à ce que la répudiation soit publique : elle doit être scellée par un certificat officiel. Comment sortir de la contradiction ? A moins qu’il ne s’agisse d’une mise en scène littéraire pour introduire l’annonce d’une naissance qui sera qualifiée de virginale.

Mathieu va introduire dans son récit un évènement nouveau, un coup de théâtre, c’est le cas de le dire : un ange apparait à Joseph… mais en songe, pour lui indiquer la conduite à tenir. C’est pratique ! L’ancien testament ne manque pas d’interventions d’anges en songe et aussi de naissances miraculeuses, à commencer par celle d’Isaac, fils d’un Abraham centenaire et de Sara nonagénaire ! ou encore celle d’Esaü et Jacob, fils jumeaux d’une Rebecca stérile ! Mais il s’agissait alors de corriger un défaut qui tenait au un grand âge ou à la stérilité des parents, ce qui n’est pas le cas ici.
Que disent les autres auteurs ? Paul, premier rédacteur d’écrits du NT (an 50-64) ne dit rien de la naissance de Jésus. Il est vrai que Paul n’a pas rencontré Jésus de son vivant mais seulement des croyants. On pense même qu’il a assisté à la lapidation d’Étienne, un diacre grec. Dans sa lettre aux Galates, il écrit seulement : « Dieu a envoyé son fils né d’une femme et assujetti à la loi (Galates 4/4) », comme tout le monde. Ce « né d’une femme » est-il révélateur ou veut-il seulement signifier qu’il est homme parmi les hommes ? Marc, premier auteur d’un évangile, commence son récit à la rencontre de Jésus avec Jean-Baptiste et ne dit rien de l’enfance. Jean, quatrième auteur, commence son récit (après le prologue sur le Verbe) par une enquête, celle menée par des pharisiens intrigués par les comportements de Jean, le baptiseur du Jourdain : « Qui es-tu ? »

Quand donc a été introduite dans ces écrits du NT l’invention de la naissance virginale ?
Concevoir une mère-vierge est une pure contradiction, impensable pour un juif… et pour nous aussi ! On sait que Matthieu et Luc ont copié en grande partie les récits antérieurs de Marc qui circulaient entre les communautés avant les leur, sauf précisément pour les récits de l’enfance où ils ont innové. Matthieu et son équipe, qui composent leur récit 20 ans après Marc, affirment clairement que Marie s’est trouvée « enceinte du fait du Saint-Esprit ». « Et incarnatus est de spiritu sancto ». Nous connaissons ! Luc, 10 ans encore après Matthieu, met en œuvre tout un scénario personnel autour de Marie, alors que Matthieu, lui,  a pris Joseph comme personnage central. On a en quelque sorte deux annonciations, l’une à Joseph mais en songe, l’autre à Marie. Luc y apportera tout un décor merveilleux avec l’apparition d’un ange spécialement porteur de révélations. « Tu concevras un fils, dit l’ange à Marie. Tu lui donneras le nom de Jésus (Dieu sauve)… Dieu lui donnera le trône de David son père… » Et plus loin : « L’Esprit-Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre… » Un condensé de plusieurs révélations, toutes à la suite : une conception surprise,plus un nom, plus un trône, plus un qualificatif le Très-Haut… Les anges, envoyés de Dieu sont ses porte-parole dans la cosmogonie biblique. Dans la pièce qui nous concerne, ils sont comme les « deus ex machina » du théâtre grec ou romain. Toujours est-il que Jésus n’a pas de père !

Matthieu, lui, introduit son évangile-bonne nouvelle par une généalogie.
Nous allons nous y attarder. Ils ne sont que deux à mentionner une généalogie : Mattieu et Luc. Mais Luc la situe plus en aval (Ch. 3), lors du baptême de Jésus, après avoir cité les paroles venues du ciel : « Tu es mon fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. » Paroles tirées du Psaume 2 et qui signifient l’introduction de Jésus comme Messie pour le peuple juif, et non l’affirmation d’une qualification de « Fils de Dieu » comme on a voulu l’affirmer en utilisant une traduction littéraliste. C’est comme un parallèle à l’affirmation de Matthieu : « Jésus, fils de David ». Mais Luc ajoute, tout de suite après, une parole sibylline : « Il était fils, croyait-on, de Joseph. » (Lc 3/23) Croyait-on ?
Peu d’entre les lecteurs s’attardent à ces généalogies étranges. Quel intérêt représente cette longue litanie de noms, la plupart inconnus de nous : Z . fils de Y., Y. étant toujours le père ? Pourtant ce texte placé au cœur du récit évangélique chez Marc, mais dès l’introduction chez Matthieu (Ch. 1) ne peut pas être là sans raison. Pour traduire « evangelium », nous employons l’expression « Bonne Nouvelle » sans toujours nous demander en quoi ces textes racontent une bonne nouvelle ; quelle a été la bonne nouvelle qu’apporte cette généalogie pour les juifs de la génération de Jésus en particulier ? Nous devons en effet nous situer au niveau de leur histoire sans empiéter sur la suite et notamment, sur ce que le message a pu devenir à travers les siècles suivants. Nous nous plaçons ici sur le plan du Jésus de l’histoire, plan différent du Jésus de la foi. On sait que cette distinction est fondamentale dans la manière dont les exégètes réfléchissent aujourd’hui à une meilleure compréhension de Jésus et de son message en le replaçant dans son cadre d’origine. Jésus est un juif à 100%. On l’avait oublié pendant longtemps ! Il nous faut d’autre part reléguer dans le passé cette manière de l’interpréter comme le fondateur d’une nouvelle religion. Jésus, juif et vrai juif fidèle, n’a voulu être qu’un réformateur de la loi juive, et donc de la manière de vivre en bon juif, fidèle à l’esprit de cette loi donnée par Dieu à Moïse ou inventée par Moïse comme chef de ce peuple .

Essayons alors de comprendre pourquoi, en introduction, Matthieu nous présente une généalogie qui, à première vue, nous semble vraiment fastidieuse, et qui est de fait surprenante, sans rapport apparent avec une « bonne nouvelle»… sauf si nous arrivons à la resituer dans son contexte.
Nous savons que Matthieu, qui écrit après Marc, s’adresse à un public juif. Or dès le lever du rideau, dès la première ligne de son évangile, il nous annonce « Jésus, fils de David » (Mat 1/1). On ne sait encore rien de sa vie, pas même sa naissance ou ses premières prédications, et le voilà déjà en quelque sorte sacré roi, parce que désigné comme fils du grand roi David. Ce dernier aurait régné de – 1010 à -970 selon une estimation des archéologues. Osons la comparaison, je vois mal comment, arrivant dans un groupe de travail à l’usine ou au bureau, je devrai me présenter comme le fils d’un aïeul qui vivait…  plus de 1.000 ans avant moi !! Mais hélas ! Nous nous sommes habitués à lire ou écouter cela dans les vapeurs de l’encens, sans sourciller, dans les livres bibliques !

Cette généalogie de Matthieu nous présente donc d’une manière répétitive X fils de Y, l’un et l’autre étant toujours des hommes, rien que des hommes ; tel père engendra tel fils…
Sauf ! Sauf en quatre endroits !  En effet quatre femmes, quatre mères, se sont glissées dans cette longue énumération. Et ces noms d’intruses n’ont pas été choisis au hasard car l’auteur veut montrer dans quelle histoire il situe Jésus. A sa différence, Luc, dans sa généalogie, reste très classique ; il n’y introduit aucune femme.
Regardons cela en détail.
Ces histoires sont riches de sens et les juifs de l’époque, fiers et pétris de l’histoire de leur peuple « élu de Dieu », ont dû les interpréter bien plus facilement que nous ! Qui sont ces quatre femmes ? Et pourquoi sont-elles là ?
1. Tamar est la première nommée : « Juda engendra Péreç et Zara, de son union avec Tamar » (Mat 1/3). Qui était cette femme ? Pourquoi figure-t-elle ici d’une manière insolite ? Il nous faut dire un mot de son histoire. Tamar est une cananéenne, auparavant mariée. Elle perd son mari, qui était un juif fils de Juda. Or il existe une règle, celle du lévirat : « Quand un homme marié meurt sans descendance, un de ses frères doit prendre sa place auprès de la veuve pour lui faire un enfant qui prolongera la lignée. » Le frère s’appelle Onan ; son nom est resté célèbre ! Onan refuse de faire un enfant à son frère : « Il laissait sa semence se perdre à terre ! » dit le texte. L’onanisme est resté dans les annales ; il se dit aujourd’hui masturbation ! Dieu le punit  d’avoir enfreint la loi; il meurt. Catastrophe pour Tamar. L’autre frère ? Il est trop jeune. Alors Tamar imagine un stratagème ! Elle se déguise en prostituée et séduit son beau-père, Juda. Il ne l’a pas reconnue sur le bord du chemin. Quand il s’apercevra que sa belle-fille est enceinte, Juda va l’injurier… avant de découvrir qu’il est lui-même le père de l’enfant ! Plus exactement de jumeaux ! (Genèse ch.38)

2. Rahab la seconde. « Salmon engendra Booz de son union avec Rahab. » (Mat 1/3) Rahab est aussi une prostituée, pas une occasionnelle, mais une professionnelle, une des plus belles femmes de l’histoire, raconte-t-on ! Elle habite Jéricho, ville cananéenne. Les troupes de Josué vont attaquer la ville. Josué envoie deux espions pour repérer les lieux. Rahab va cacher ces espions, étrangers pour elle, sur le toit de sa maison afin que les soldats de sa propre ville ne les découvrent pas, puis elle les fera s’échapper par une fenêtre. En échange de ce service, les soldats de Josué épargneront sa famille alors qu’ils détruiront toute la ville de Jéricho, comme le dit le récit biblique. Cette femme prostituée et d’origine étrangère est alors introduite dans le peuple juif pour la remercier de son geste. (Livre de Josué Ch 2 à 6).

3. Ruth, la troisième : « Booz engendra Jobed, de son union avec Ruth. » (Mat 1/5). C’est une femme qui habite de l’autre côté du Jourdain, au pays de Moab. Une étrangère encore. Elle a épousé le fils de Noémie dont la famille a été chassée de Bethléem par la famine ; mais il meurt. Un jour, elle accompagne sa belle-mère, déjà veuve aussi, qui part pour Bethléem. Ruth s’arrête pour glaner dans le champ d’un riche parent de Noémie, son beau-père, nommé Booz. Booz l’accueille avec énormément de sollicitude au point d’ordonner à ses ouvriers de laisser volontairement tomber quelques épis en liant les gerbes. Noémie encourage sa belle-fille à séduire Booz alors qu’il vanne l’orge. «Parfume-toi, mets ton manteau et descends sur l’aire. Mais ne te fais pas connaître de cet homme jusqu’à ce qu’il ait achevé de manger et de boire. Quand il se couchera… arrive, découvre ses pieds et couche-toi. Lui t’indiquera ce que tu as à faire ! » (Livre de Ruth 3/2-5) (On sait ce que signifient « les pieds » dans le langage biblique !) De cette union naquit l’arrière-grand-père du Roi David ; il s’agissait pourtant d’une relation impure puisque réalisée avec une étrangère, une moabite, de celles qu’on soupçonnait d’adorer des idoles. L’auteur veut ainsi partir à contre sens des règles et des opinions habituelles farouchement opposées à toute union avec des étrangers, et surtout des étrangères, en révélant que David lui-même avait du sang moabite.

4. La quatrième femme. « David engendra Salomon, de son union avec la femme d’Urie.» Le texte ne donne pas son nom ! Etrange ! Pourquoi ne la nomme-t-il pas ici ? il s’agit d’une histoire plutôt sulfureuse encore. Elle s’appelait Bethsabée. Son nom ne nous est pas inconnu ; les peintres de la Renaissance en ont fait un de leurs motifs privilégiés, une très belle femme aussi ! Or le roi David est déjà marié avec la fille du Roi en exercice, Saül. Il est aussi très copain avec son fils Jonathan. En contemplant la nuit du haut de la terrasse de son palais, Il aperçoit une femme en train de se baigner. Il la trouve très belle. Il se renseigne ; c’est la femme d’un capitaine de son armée, un hittite, c’est-à-dire un étranger originaire d’un peuple d’Anatolie florissant au siècle précédent, et devenu un de ses lieutenants. Or, l’armée est en train de guerroyer contre les Ammonites, un royaume installé du côté de l’actuelle Jordanie. Il fait venir la femme au palais et couche avec elle. Quelques temps après, la femme lui fait savoir qu’elle est enceinte. Alors, stratagème ! Il fait revenir du front Urie, le capitaine ; une nuit avec elle effacera son adultère. Mais le mari refuse de coucher avec son épouse. David le fait boire. Rien n’y fait. Alors il le renvoie au combat mais il ordonne à ses généraux de le placer au plus fort des combats. Urie est tué. Le prophète Nathan le lui reprochera. David se repent. « J’ai péché contre Yahvé ! ». Mais leur fils meurt. Alors David fait venir la femme, veuve maintenant, chez lui. Un second fils naîtra, illégitime ! On l’appellera Salomon ! « Et Dieu l’aima. »  Quel enchainement : adultère, assassinat, machinations, trahison, cadavres accumulés… un plan sinistre dans une histoire qu’on nous avait qualifiée de « Sainte » ?! Mais David s’est repenti. Il sera loué pour sa conversion. David a eu plusieurs épouses officielles avant Bethsabée, et peut-être une centaine, officieuses ! Officiellement il eut 8 enfants dont 7 garçons.

Pourtant, Bethsabée ne voudra pas rester dans les second rôles ! Elle va jouer des coudes, appuyée par le prophète Nathan, et moyennant aussi quelques assassinats dans la famille de David, elle réussira à faire reconnaître, par un David très affaibli, son fils Salomon comme le successeur officiel. Il était pourtant d’origine particulière ! Et doublement : fils d’un adultère et fils d’une femme mariée auparavant avec un étranger ! Il règnera cependant à partir de 970. Il construira le fameux temple de Jérusalem. Ce récit de la succession de David est capital, un des tout premiers textes écrits de la Bible, disent certains chercheurs. David et son fils Salomon sont considérés comme les deux fondateurs de l’ancien État d’Israël. Mais il n’y aura plus de roi ensuite, ni en Israël au Nord à partir de 722 avant JC (avec l’invasion des Assyriens), ni dans le royaume de Juda au Sud dès 587 lors de l’invasion des Babyloniens et de la déportation des élites. Comment s’accomplira alors la promesse faite à David et transmise par le prophète Nathan : « Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi et ton trône sera affermi ». Pour ta descendance « Je serai un père et il (elle) sera pour moi un fils » ? (2 Samuel 7/16) On est dans l’attente ! Un Messie naîtra de cette souche. Matthieu l’annonce; il a tout compris  : c’est Jésus. « Celui-ci est mon fils bien-aimé ». C’est la voix qui des cieux se fait entendre au baptême de Jésus (Mat 3/17).

Qu’y a-t-il de commun à ces quatre femmes ? Elles sont devenues mères à la suite d’irrégularités sexuelles, mais elles ont été justifiées en étant inscrites dans l’ascendance de Jésus !
(Voir le Site : https://wp.unil.ch/allezsavoir/les-aieulessulfureuses-de-jesus/)

Tamar a joué à la prostituée pour séduire son beau-père ; elle a joué la transgression contre le tabou de l’inceste. Rahab était une prostituée professionnelle. Ruth séduit Booz sur les conseils de sa belle-mère et Bethsabée est victime du droit de cuissage royal ! Quelle panoplie de situations vertueuses ! De plus Tamar est cananéenne ; Rahab, aussi, habitante de Jéricho ; Ruth est moabite et Bethsabée est l’épouse d’un hittite. Malgré cela, ces quatre femmes se retrouvent intégrées dans le peuple d’Israël, réhabilitées en quelque sorte. Elles occupent même dans l’histoire biblique des places de premier rang : Tamar engendra Péreç qui fut l’ancêtre de David. Rahab la prostituée, païenne, étrangère, du plus bas rang social, va rejoindre le peuple élu. ; elle sera citée comme un modèle de foi parce qu’elle a tourné le dos à ses dieux : « Je sais que le seigneur YHWH est Dieu au ciel et sur la terre. » proclame-t-elle, une véritable conversion, une magnifique profession de foi. Ruth la moabite sera aussi louée pour sa conversion au judaïsme : elle sera l’arrière-grand-mère de David. Quant à Bethsabée, elle enfantera de David le grand roi Salomon, celui qui avait été baptisé par le prophète Nathan du nom de Yedidia « le Bien-Aimé du SEIGNEUR ». Pourtant  la loi juive interdisait rigoureusement tout commerce charnel avec les peuples étrangers. Les étrangers devaient être tenus à distance, car il convenait de préserver la pureté, de maintenir la sainteté du Peuple que Dieu s’est choisi en le différenciant des peuples idolâtres (Exode 23/32). D’où, entre autres, les lois très strictes sur les mariages ou encore sur la consommation ; nombreuses seront les occasions où Jésus interviendra sur la pureté. A travers les épisodes d’histoire de ces quatre femmes, l‘auteur fait même passer un message nouveau : certains métissages ont été bénéfiques ; c’est l’invitation à une ouverture. Il n’en reste pas moins que toutes ces naissances sont hors norme, le fruit d’une union irrégulière et donc illégitimes au regard de la Torah.

Mais l’histoire n’est pas finie ; dans cette généalogie de Matthieu, il y avait une cinquième femme !
A la suite de cette longue énumération descendante, d’Abraham à Jésus, et comme s’il s’agissait d’amener le lecteur à une conclusion sans la lui dicter, Matthieu insère une cinquième femme : Marie ! « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus. » Contrairement aux autres personnages cités dans cette généalogie, Joseph n’y est pas dit « père » de Jésus, mais «époux de Marie de laquelle est né Jésus. » Que veut bien signifier Matthieu en mettant quasiment en parallèle de ces quatre femmes le cas de Marie ? Quoi de commun avec les quatre ? Elle aussi a conçu son fils dans des conditions irrégulières. Matthieu met en scène un enfant né hors mariage. Joseph n’est pas son père. C’est « l’esprit saint qui viendra sur elle » et c ‘est « la puissance du Très haut » qui la « couvrira de son ombre », pas joseph. L’enfant ici a été conçu hors d’un mariage légitimé par la Torah. Le message est clair : avant Jésus, et dans sa lignée, il y a déjà eu d’autres naissances irrégulières parmi les ancêtres de Joseph. Matthieu, vers la fin du premier siècle donc, a entendu lui aussi des bruits sur la naissance hors norme de Jésus et il veut certainement en atténuer l’impact. Adultère, comme le soupçonne Joseph ? Ou viol comme le suggèrent des écrits rabbiniques ? Viol attribué à un soldat romain, comme le diront certains évangiles apocryphes ? Nul ne sait !! Mais ces cinq femmes ont en commun d’avoir enfreint les lois de pureté ! Ces règles de pureté très strictes, très tatillonnes même, qui encadraient alors la vie quotidienne et toutes les activités des croyants (1). On sait comment Jésus va s’attaquer durement à ces notions, par réaction peut-être aussi ! Il sera assassiné en raison de sa liberté d’interprétation à l’égard de la loi. Ainsi annonce Matthieu, à travers ces unions irrégulières et ces enfants illégitimes, Dieu conduit son peuple en se servant des médiations humaines. Tous ces enfants, nés de relations irrégulières, ont été la gloire d’Israël, héritiers et garants de l’Alliance. On disait autrefois : Dieu écrit droit avec des lignes courbes ! Matthieu y voit une continuité : Dieu intervient sans cesse dans l’histoire du salut apporté à ce peuple choisi par lui, et par lui à tous les peuples, et il se sert de toutes ces situations, même les plus scabreuses au regard de la loi. Ainsi ces femmes se retrouvent désignées et exaltées par Matthieu comme aïeules et mère de Jésus, de son ascendance ! Et Marie se trouve justifiée avec elles.

Un chercheur américain, Bruce Chilton, spécialiste du christianisme, a ainsi proposé de voir en Jésus un « mamzer », (comme en parle Deut. 23/3), autrement dit un enfant illégitime, un enfant bâtard. Bâtard ? Ce terme nous paraît choquant aujourd’hui mais pour approcher le Jésus de l’Histoire, il faut se replacer dans son histoire, celle de son temps, («Jésus en son temps », comme titrait le livre, tout nouveau à l’époque, de Daniel Rops) dans un lieu, la Palestine, et un temps rythmés et encadrés par la loi juive. Bien des enfants naissent aujourd’hui hors mariage, certains avant mariage seulement, mais il n’y a plus le même encadrement religieux ni cette pression sociale. Le Deutéronome précisait le statut de ces enfants : ils sont exclus de l’Assemblée de Dieu et de même leurs descendants, jusqu’à la dixième génération. Leurs droits à l’héritage sont minimes et leurs possibilités de fonder un foyer et d’avoir des enfants sont compromises. Autrement dit, le Mamzer est condamné au célibat ; les enfants  qu’il aurait pu avoir auraient été comme lui frappés d’exclusion, ce qui est insupportable pour un père ! De plus, selon la tradition c’est toujours le père qui donne le nom à l’enfant. Ici c’est Marie qui en est chargée par l’ange.

Daniel Marguerat, théologien, historien suisse et un des meilleurs exégètes actuels du Nouveau Testament, dans son ouvrage « Vie et destin de Jésus de Nazareth » publié en mars 2019 aux Éditions du Seuil, reprend cette hypothèse. « Une généalogie en début de texte, dit-il, c’est un signal à l’intention du lecteur ; l’auteur de l’Évangile de Matthieu lui montre de quelle histoire Jésus est le produit. » Et encore : « L’on ne peut s’empêcher de penser que, ayant été lui-même désigné comme marginal par sa naissance, Jésus s’est montré naturellement sensible à la situation des marginaux de la société juive dont il s’approchera. Séparation de la famille, célibat, compassion pour les marginaux, relativisation des règles de pureté : tout cela porte, à mon avis, les stigmates d’une enfance exposée au soupçon d’impureté et d’une volonté de transcender cette exclusion sociale. »
(Voir le Site : https://www.mondedelabible.com/a-lire-vieet-destin-de-jesus-de-nazareth-par-danielmarguerat/) La revue Golias en a aussi fait la recension.

Stephen Michel dans son ouvrage « L’Évangile selon Jésus » publié en 1997  écrit déjà : « Je ne crois pas que nous puissions pleinement savoir qui est devenu Jésus à moins que nous ne comprenions les difficultés insurmontables auxquelles il a dû faire face en tant qu’enfant illégitime, vivant dans une petite ville de province dont les habitants devaient se montrer assez cruels et moralisateurs devant de telles circonstances. L’atmosphère de mépris public et de risée dont il était l’objet a du être ressentie comme un assaut continuel sur son âme.»

Nous ne pouvons avoir que plus d’admiration pour ce qu’il a dit et fait. Nous sommes loin d’une naissance virginale ! Mais nous pouvons comprendre l’accumulation de signes merveilleux qui vont légitimer la situation depuis la venue d’un ange, qui plus est nommé « Gabriel » (seulement chez Luc ; l’ange apparu à Zacharie précédemment n’a pas de nom !), l’intervention annoncée de l’Esprit Saint, le fait que l’enfant annoncé soit un garçon (pas besoin d’échographie !). Et comme très souvent dans ces écrits la référence à une parole ancienne tirée d’Isaïe (7/14) : «Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel.. » (2) Et guère plus loin Isaïe ajoutait une phrase que nous connaissons bien « Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, Et la domination reposera sur son épaule ; on l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix. » Matthieu pratique couramment ce procédé : il construit l’histoire actuelle à partir de faits ou de paroles anciennes, quitte à plier le texte à sa convenance. Ainsi dans le premier texte, il remplace « la jeune fille » du texte hébreu d’Isaïe en « vierge » pour asseoir sa volonté de conserver le miracle de la naissance virginale ; il présente cette parole d’Isaïe au roi Achaz comme l’annonce, avec 700 ans d’avance, de la naissance de Jésus. C’est le Midrash. Les récits évangéliques sont des constructions littéraires. D’où la phrase : «Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète… »  L’histoire actuelle est pour ces écrivains un « accomplissement ». (Cf. Mat 215, 2/17,2/23). Cette expression va revenir fréquemment dans les écrits de Matthieu. Jean fera dire à Jésus lors de sa mort « Tout est accompli. » (Jo. 19/30)

Nous savons que les écrits évangéliques ne sont pas des récits historiques ; ils sont des témoignages  des premières communautés de foi en ce Jésus qui justifie. Il faut bien se rappeler qu’ils ont été écrits longtemps après la mort de Jésus et donc avec la croyance en sa résurrection.. Jésus, classé comme un déviant, rabaissé au rang d’esclave par la condamnation à la croix, a été perçu ensuite comme juste par ceux qui ont cru en lui, Le Juste parmi les justes, le Juste qui justifie. A un homme dit ressuscité par Dieu on peut bien attribuer une naissance virginale. Qui peut le plus peut le moins, en quelque sorte ! « Le récit de naissance de jésus a donc été créé pour donner de la substance et des détails à la défense de l’Église au sujet des origines de jésus. » (Cf. Spong Né d’une femme p.108) Ainsi, ce qui nous semblait une généalogie sans intérêt (passons au chapitre suivant, rien à voir, disions-nous !) est devenu une source d’information assez extraordinaire sur l’histoire même de Jésus et notamment sur cet aspect de Jésus sur lequel on a voulu calquer le statut du prêtre moderne. Si donc, avec de grands noms de l’exégèse, nous accordons valeur à cette hypothèse, ce serait à cause d’une transgression de la loi de pureté sexuelle que Jésus serait devenu « mamzer », condamné au célibat et non par choix personnel. On mesure le dévoiement que représenterait alors l’obligation disciplinaire du célibat sacerdotal pour ce motif !
Cette hypothèse nous permettrait d’ailleurs de comprendre par ailleurs pourquoi Jésus, lui-même un marginal de la société juive, a été si proche des exclus de son époque : les prostituées, les lépreux (Mc 1/40), les juifs « collaborateurs » qui collectaient les taxes pour l’occupant romain, les dits possédés du démon… mais aussi proche de tous ceux que leur infirmité tenait éloignés de la vie sociale : aveugles, estropiés, paralysés (Mc 2 :3)… Il n’a pas rechigné de manger avec des pécheurs, des publicains, et même des scribes dans la maison de Lévi, futur disciple (Mc 2/13). Cette miséricorde n’est-elle pas la clé de la « Bonne nouvelle », celle que représente le message de fraternité universelle proclamé par Jésus ? Jésus ne se contente pas de l’annoncer ; c’est sa manière de vivre ; Jésus ne donne pas de déclaration sur son identité. Il se présente en actes. Jugez donc sur mes actes. Comme il dit aux envoyés de Jean le Baptiseur : allez lui dire : les aveugles voient ; les estropiés marchent…
D’autre part, sachant que les évangiles sont une composition, il nous faut tenir compte du contexte de l’époque où ils ont été composés les uns et les autres. Héritiers de l’influence grecque et de son dualisme concernant l’opposition corps-esprit, certains penseurs, nommés les Docètes, commencèrent à mettre en avant l’idée que Jésus n’avait qu’une apparence humaine, mais était en réalité une divinité en visite sur Terre.  Pour eux, héritiers de la pensée de Platon, la matière est associée au mal ; ils pensaient donc que dieu ne pouvait s’incarner dans un corps matériel.  Les docètes s’intéressaient en priorité à la question de sa naissance – dont il était important pour eux qu’elle fût sans tache, sans souillure – rendant cette naissance virtuelle dans l’idée de contester la réalité humaine de Jésus au profit de sa réalité divine. Et ainsi ils réfutaient l’idée des souffrances et de la mort de jésus. Dans la pensée grecque on admettait facilement un dieu qui se revêtirait d’une apparence humaine et viendrait marcher sur Terre. D’où la mise en avant comme argument apologétique des concepts « né de la vierge Marie » et aussi « conçu de l’esprit saint ». Les récits de l’enfance, en exclusivité chez Matthieu et Luc, devinrent ainsi une arme de défense des premiers chrétiens contre les interprétations de penseurs qui mettaient à mal leur conception de l’incarnation. Ignace évêque d’Antioche (en Turquie actuelle) ou Irénée, évêque de Lyon, combattirent ces penseurs Docètes.
Cf. « Cout du Mythe de la vierge » Spong

Nous avons encore beaucoup à découvrir et à redécouvrir sur Jésus. Nous devons d’abord nous délivrer progressivement de tout ce qu’on a pu greffer sur lui abusivement au cours des siècles. Nous sommes appelés à déconstruire. Et à lui rendre son humanité, pleine et entière. Et à lui rendre aussi sa judéité.

Jean COMBE, Aout 2019, révisé et augmenté.

(1) N.B. En qui ce concerne ces règles de pureté-impureté, nous ne pouvons que renvoyer le lecteur à d’autres sources sur ce sujet capital afin de mieux comprendre l’univers social et religieux où Dieu est omniprésent, vulgairement dit, mis à toutes les sauces ! Il faut être pur pour s’approcher de dieu. En ce sens, Jésus qui acceptait de fréquenter les publicains, de guérir le fils d’un officier de l’armée romaine, l’occupant honni, qui fréquentait lépreux et prostitués, était un impur

(2) Dans cette parole actée du prophète Isaïe, il s’agissait de redonner confiance au Roi Achaz, alors roi à Jérusalem, qui était assiégé par deux autres rois, celui d’Israël-Samarie et celui de Syrie-Damas, en lui montrant que la lignée des rois fils de David se prolongerait avec la naissance opportune de cet enfant. Prophète ne signifie pas « qui annonce l’avenir », comme ce mot en a pris la signification aujourd’hui, mais pro –fétie » qui parle à la place (de Dieu).

(3) Il faudra reprendre la question de Jésus et ses frères et sœurs

(4). Cf. La naissance des grands hommes dans l’antiquité : fils de dieu ou d’une déesse ? Mais voir déjà les nombreuses naissances dans la bible par intervention attribuée Dieu.

(5). Une remarque : dans le récit de la fuite en Egypte (symbolique) l’ange dit à Joseph : »Prends l’enfant et sa mère » et non prends « Ton enfant » et cela par 2 fois :2/13 et 2/19. D’autre part si Jésus n’est pas le fils de Joseph, étant donné que c’est Joseph et non Marie qui est descendant de David, Jésus ne devrait pas être dit « fils de David » !

5 « Ainsi s’accomplit ». Ce terme est répété X fois chez Mathieu et en particulier 3 fois de suite :  
1) en 2/15 « Ainsi s’accomplit ce qu’avait dit le Seigneur par le prophète : « D’Egypte j’ai appelé mon fils ». Osée 11/1. Voulant signifier par cet exil de Jésus l’Exode du peuple juif. Cf. l’exode en Israël de Jacob (Genése 27/43), de Lot (Gn 19/15), de Moïse (Ex 2/15) et Jéroboam. (1Rois 11/40).
2) Accomplissement encore le massacre de enfants de Bethléem. (Jérémie  31/15) L’Alliance nouvelle.. L’évocation de Rachel tient au fait que le tombeau de Rachel, (femme du patriarche Jacob-Israël qui eut 12 fils, figures des 12 tribus d’Israël). était traditionnellement fixé à Bethléem. (Comparer Mat 22/7).
3ème fois : Il vint habiter Nazareth pour que s’accomplisse ce qui avait été dit par le prophète « il sera appelé nazoréen ». (En jug 13/5 est évoqué le saint de Dieu, par excellence le « naziréen ». voir 16/17 et Marc 1/24 « Tu es le Saint de Dieu »). Interpréter donc nazoréen comme « de Nazareth !

Tous ces récits, symboliques, dont Matthieu compose son récit, il les justifie par cette soi-disant prédiction d’un prophète qui parle au nom du « Seigneur ». Ne pas oublier que Matthieu s’adresse à des juifs pour les convaincre que Jésus est bien le Messie annoncé, fils du grand Roi David, porteur de l’Alliance.

FOI ? Réflexion à la lumière de la laïcité

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FOI ? Laïcité et privatisation de la foi

Cette article est tiré de la revue PAVES = « Pour un autre Visage d’Eglise et de Société (Association belge) ».
Vous le trouverez sur le Site
: http://www.paves-reseau.be/revue.php?id=226

  1. La foi, ambiguïté du terme 

Dans le domaine religieux, comme dans tous les domaines qui régissent l’existence humaine, les grands malentendus et donc les grandes controverses surgissent bien souvent de la confusion des termes on croit parler de la même chose du fait qu’on utilise le même mot. C’est ainsi que bien souvent on parle indifféremment de religion catholique et de foi catholique comme si religion et foi recouvraient les mêmes réalités. De même on parle de foi quand il s’agit des trois vertus dites ‘théologales’ (la foi, l’espérance et la charité) et l’on parle encore de foi quand on parle de soi-disant vérités de foi  comme dans le Credo ou dans le catéchisme alors que l’adhésion à ces vérités n’ont rien à voir avec la vertu. Et c’est probablement une (parmi de nombreuses autres) des grandes déviances dans l’histoire du christianisme que ce glissement d’une notion qui portait initialement sur une vertu et qui a fini par signifier l’adhésion à une série de soi-disant vérités.

2. La foi évangélique : foi vertu 

Il semble bien que la foi que prêchait Jésus ne portait sur aucune vérité mais bien plutôt sur une attitude éthique (morale), à savoir une attitude face aux réalités et aux exigences de la vie et des humains bien plutôt que face à des vérités d’ordre philosophique ou historique. Je vous le dis si vous avez la foi comme un grain de sénevé, vous direz à cette montagne transporte-toi… et elle s’y transportera (Mat. 17,20-21). Cette foi qui soulève les montagnes n’a pas grand-chose à voir avec les professions de foi qui portent sur les articles du Credo. Aussi n’est-il pas inutile de rappeler que ce qui est primordial dans le message évangélique, c’est une attitude « religieuse » face à la nature, face au monde et face aux hommes et aux femmes qui l’habitent ainsi que face à soi-même; et « religieuse » ici veut dire attitude de respect, d’ouverture, de dévouement et de solidarité et, à la limite, d’effacement et de sacrifice.

  1. Attitude religieuse et religion 

Insensiblement – mais assez rapidement – au cours de l’histoire chrétienne le « religieux » (l’attitude religieuse) a été récupérée par les religions (orthodoxe, protestante, catholique, musulmane, peu importe). Bien souvent les religions ont été une “institutionnalisation » du religieux au bénéfice d’un pouvoir qui le récupère pour légitimer son autorité. Pour l’Église chrétienne le pouvoir papal et épiscopal a été à la fois religieux et politique et ce, officiellement à partir de Constantin vers 330. Rappelons d’ailleurs que les fondateurs des grandes religions furent le plus souvent des chefs politiques  Abraham est le fondateur d’une race, Moïse un guide politique et fondateur d’un État et Mahomet n’a pas fait autre chose. Et si au cours de l’histoire les chefs politiques ont – souvent – légitimé leur pouvoir en le sacralisant, ce fut pour pouvoir l’absolutiser : le chef religieux sacre l’empereur. Ainsi la foi devient adhésion à des vérités qui légitiment un pouvoir et renforce ainsi la cohésion d’un peuple ou d’un Etat. En ce cas 1’ « hérétique » n’est pas l’homme qui manque de vertu; c’est celui qui conteste certaines « vérités ». On brûle les hérétiques; on ne brûle pas les seigneurs, les évêques ou les papes qui manqueraient de charité. À partir de ce moment-là la foi devient acceptation, bien souvent « aveugle » et sans contestation possible de vérités qui visent non seulement le culte de la divinité mais aussi, voire surtout, le maintien d’un ordre établi par un pouvoir qui, de ce fait, est conjointement et religieux et politique.

4. Foi et pouvoir : la foi-obéissance 

L’alliance entre l’Église et l’État (officiellement inaugurée par l’empereur Constantin en 314) a fait que la « vertu » de foi se confondit, du moins partiellement, avec la vertu d’obéissance. On adhère aux vérités de la foi non pas nécessairement par conviction, mais bien plutôt d’abord par obéissance — ou, en ce cas, par obédience — à une autorité à la fois religieuse, voire presque divine ou divinisée et, en même temps, laïque ou ‘politique’. Ce caractère ‘obéissance’ de l’acte de foi (c’est-à-dire ici d’adhésion à des vérités qu’on vous présente comme essentielles) est encore toujours présent dans le chef des autorités ecclésiastiques chez nous aujourd’hui. C’est ainsi qu’on a pu lire relativement récemment dans une lettre pastorale d’un archevêque ceci « celui qui aime l’Église ne se contente pas d’obéir: il chérit l’obéissance elle-même… le baptisé a en soi une sorte d’instinct qui le porte à dire oui à l’Église comme un enfant à sa mère. » (card. G. Danneels, La mal-aimée . Pauvrette Église, Message de Noèl 2002, pi35). L’Église catholique et le Magistère romain ont effectivement eu — et gardé ? — cette tendance de considérer et de traiter ce qu’ils appellent le ‘peuple de Dieu’ comme un peuple-enfant. Et c’est essentiellement contre ce paternalisme autoritaire et infantilisant que la laïcité a voulu — et veut — réagir. L’instrument majeur pour maintenir le ‘peuple de Dieu’ dans cet état infantile fut l’enseignement l’école catholique. Mais c’est bien pour cela également que la laïcisation a porté l’essentiel de ses efforts sur le terrain de l’enseignement il a voulu écarter tout esprit confessionnel de l’enseignement officiel. Et c’est pour le même motif que, parallèlement, en Belgique l’épiscopat a concentré l’essentiel de ses efforts à maintenir chez nous un vaste réseau d’écoles confessionnelles catholiques. Et l’on sait combien la question de l’enseignement a pesé sur la politique beige.

  1. Foi et révélation 

Cette tension entre foi religieuse, proposée – voire imposée – d’en haut d’une part et convictions personnelles d’autre part, n’est qu’un des nombreux points de cristallisation du mal qui mine tout l’édifice de la dogmatique chrétienne, à savoir la dualité (ou le dédoublement) du monde. Toute l’optique chrétienne est tiraillée entre une série d’oppositions et ce, du fait qu’elle s’efforce toujours de répondre aux grandes questions qui se posent à notre esprit humain et terrestre, imparfait, lui, mais réel, en recourant à un autre monde divin, céleste et parfait, mais imaginaire et / ou hypothétique. Il y a ainsi d’une part Dieu et le monde céleste et, d’autre part, l’homme et le monde terrestre. On pose ainsi – (Bulletin Pavés N° 6, p. 4)

ou on oppose — le surnaturel au naturel, le sacré au profane, l’éternel au temps et au temporel et, pire, la « Révélation » divine face à la pauvre petite raison humaine et aux spéculations des philosophes que l’Église n’aime vraiment pas beaucoup. C’est ainsi que toute l’idéologie chrétienne – et surtout catholique – est tiraillée entre deux pôles. Et le lien qui les unit ou les réunit – le seul qui puisse d’ailleurs les réunir – est le miraculeux. C’est la parole de Dieu qui s’incarne dans une Bible, en ce temps-là, là-bas, et le Verbe éternel qui se fait chair en Jésus, né d’une Vierge et ressuscité le troisième jour. Du moins le dit-on.

Mais pour donner aujourd’hui son adhésion à de telles affirmations il faut ignorer tout des questions qui se posent aujourd’hui aux exégètes affranchis du contrôle paralysant de l’institution ecclésiastique, à savoir l’historicité et l’objectivité de ce qui s’est dit en ces livres très anciens écrits en des langues très anciennes et qui nous sont parfois parvenus en de très mauvaises traductions ; il faut tout ignorer des avatars du Concile de Nicée (en 425) qui décréta, contre l’avis d’une majorité d’évêques, la divinité de Jésus et son égalité au Père, ignorer que ce Concile fut essentiellement dirigé contre l’évêque Arius qui, comme la majorité des évêques de l’époque, contestait cette divinité, et ignorer enfin que ce Concile fut présidé par l’Empereur Constantin lui-même qui poursuivait, ce faisant, des buts essentiellement politiques. Et donc ignorer que c’est à ce prix que l’Église chrétienne fut en quelque sorte liée au pouvoir impérial et, d’une façon ou d’une autre, assujettie à la machine politique, impériale et impérialiste, de Rome, – sujétion encore accrue lorsqu’en 754 Pépin le Bref accorda au pape la possession des ‘États pontificaux’. À partir de ce moment-là et dans ce monde-là, le ‘laïc’ n’a plus beaucoup de place…

Aussi, pour retrouver cette place il faut que ‘Dieu’ (et le divin) soit remis à sa place non pas dans un lieu céleste et imaginaire où il régnerait (on se demande bien souvent comment), mais bien le placer et le servir au cœur de ce monde et sur cette terre où il s’incarne c’est-à-dire se montre, se manifeste, se révèle. Et il ne paraît pas inutile de rappeler ici que c’est là une des idées-forces de ce grand mystique que fut saint Jean de la Croix : »Dieu est toute chose… Dieu et son oeuvre est Dieu » (cfr Cantique Spirituel, XIJJ,5- Silv. 111, p.65). Et concluons par cette phrase lapidaire de Eric Weil et qui résume toute la tendance de la pensée religieuse contemporaine … » l’éternel ne se montre qu’aujourd’hui et n’est rien s’il ne se montre » (Logique de la philosophie, p.68) . Et c’est aux hommes – prêtres ou laïcs – de le montrer dans les réalités les plus concrètes et les plus interpellantes de ce monde.

Jean KAMP

 

 

Le sort des prêtres avec compagnes en Suisse et en France

Publié le Mis à jour le

Cela fait deux décennies que nous sommes en contact avec « Plein Jour »,
antérieurement appelé « Claire-Voie ». Depuis que Dominique Venturini a relancé la vie de l’Association en 2008, nous participions régulièrement aux rencontres à Paris. Cela
nous a fait réaliser combien sont identiques – en France et en Suisse – les destinées de
femmes en route avec leurs partenaires « prêtres ». Mais nous y avons aussi réalisé, combien sont différentes les manières de gérer de telles situations dans les contextes français et suisse. Cependant, lors de nos communications forcément courtes à Paris dans les locaux de « Temps Présent », nous nous sommes aussi rendu compte, combien il nous était difficile d’expliciter en quelques minutes la différence des contextes ecclésiastiques en France et en Suisse et surtout l’environnement socio-financier, dans lequel les hommes et les femmes concernés par le célibat sacerdotal se meuvent et se débattent.
Voici donc, à l’invitation de Jean Combe, une courte présentation du cadre socio-politique, dans lequel l’Église évolue en Suisse. Ainsi, nous en présenterons brièvement les coordonnées structurales et les évolutions actuelles, dans lesquelles nous nous situons.

Contexte de l’Église en Suisse.
De par son histoire des guerres entre catholiques et protestants, entre villes et campagnes ou encore entre les langues alémanique, romande et italienne, l’Église s’est structurée
en Suisse selon un modèle très décentré, mais en même temps bien fédéré. Les structures
paroissiales et leur gestion des finances en sont un reflet.
En effet : Suisse rendent les relations moins compliquées.
Les impôts paroissiaux obligatoires sont gérés par un groupe de laïcs élus et assermentés.

Au sein des Conseils de paroisse, les curés ont seulement une voix consultative. Et les
évêchés dépendent des budgets alloués par les paroisses. Ce modèle juridique d’une 
cohabitation civile-ecclésiastique est estampillé comme un “système duel” du droit public.
Grâce aux impôts, les Conseils paroissiaux participent directement à la gestion
pastorale. Ce qui a une influence sur la manière de trouver des solutions viables. De
la sorte, les laïcs peuvent intervenir – directement ou indirectement – dans la
gestion des conséquences canoniques quand un prêtre a un problème avec le célibat.
Dans plusieurs diocèses, les prêtres ont un bon salaire, comparable à celui d’un
enseignant dans les écoles secondaires supérieures – chez nous – et ils contribuent
automatiquement aux prestations sociales, comme rente de vieillesse, pension, perte de
gain ou chômage.
Si un tel prêtre a une famille clandestine, il n’a aucun problème pour la soutenir financièrement,
de même pour verser une pension alimentaire au cas où une femme a un enfant d’un prêtre, sans
vouloir vivre avec lui. Dans un seul diocèse, les salaires sont plus modestes : ceci est dû
au système sans impôt dans un seul canton suisse. Mais, encore là, les prestations
sociales interviennent toujours, le jour où le prêtre est remis à l’état laïc.
Dans les deux pays en question, importante est aussi la différence des surfaces et des
distances. Aussi bien, en temps et en frais de déplacements, cela rend plus facile à la fois
les rencontres entre les personnes touchées par le célibat et aussi le travail de la ZöFra (1),
par rapport au travail de Plein Jour. En plus, le fédéralisme et le système politique

1. L’abréviation allemande « ZöFra » désigne l’association de
« Femmes touchées par le célibat de prêtres »

Avec les évêques, les contacts et – avec les années – le dialogue lui-même sont devenus
possibles. Chaque requête auprès d’un évêque a été honorée d’une réponse, parfois
aléatoire et évasive, surtout au début de l’existence de la ZöFra, mais, avec le temps,
plus respectueuse et concrète. Durant une rencontre avec une délégation de la
Conférence des Évêques Suisses, en 2014, la ZöFra a demandé aux autorités
ecclésiastiques, s’il y avait une possibilité de réintégrer d’une manière systématique les
prêtres, remis en état laïc, dans les services et tâches de l‘Église, à chaque fois qu’un
homme vivait ou désirait vivre avec la femme qu’il aime, comme c’était déjà arrivé dans
l’un ou l’autre diocèse. Remettre ces hommes avec tout leur savoir et toutes leurs
compétences au service de l’Église là où c’est possible. En effet, presque tous les prêtres
avaient un seul souhait : ils voulaient continuer de vivre leur vocation et de servir
Dieu. Or Il y a beaucoup de travail au sein de l’Église qui peut être accompli par des
théologiens et théologiennes bien formés et expérimentés.

NB. 1 : Il n’y a jamais eu une réponse officielle, mais aujourd’hui, un prêtre qui
veut se marier peut désormais parler à presque n’importe quel évêque en Suisse. Et
cet évêque peut aider à ce que le processus de remise à l’état laïc se déroule rapidement
et ramène l’homme au service de l’Église, s’il le souhaite, par exemple en tant qu’assistant
pastoral. De la sorte, « l’ancien » prêtre (mais théologiquement on est « prêtre pour
l’éternité ») peut accomplir les mêmes tâches et services qu’avant, juste sans présider à
l’Eucharistie. En outre, durant la formation des prêtres, on cherche de plus en plus à
s’assurer qu’ils ont une deuxième formation pour le cas où le célibat deviendrait invivable
pour eux.

NB. 2. Dans son livre témoignage « Oh mon Dieu ! Le célibat des prêtres, un chemin de
croix », Ed. Favre/Lausanne/Paris 2015, Gabriella a décrit de telles biographies de
prêtres et de femmes (et de leurs enfants).
Elles montrent cependant aussi, comment, en raison du droit canonique, la gestion de
ces situations reste complexe et douloureuse, même en contexte Suisse. A différentes occasions,  Gabriella en a donné quelques illustrations. Globalement, nous pouvons cependant faire ressortir comment, le pragmatisme suisse et les finances paroissiales aidant, les instances épiscopales
et diocésaines abordent en général ces destinées d’une façon peu dogmatique. Des
clivages existent cependant encore souvent dans la manière de faire en Eglises alémaniques ou francophones… ou entre des catholiques traditionalistes et des catholiques pragmatiques.

Perspectives actuelles
Quelques réactions suisses à la lettre apostolique « Querida Amazonia », que le
Pape François vient de publier en février de cette année, permettent d’illustrer ce
contexte suisse ; comment beaucoup de communautés catholiques lisent et
interprètent ce message amazonien en fonction des données et attentes qui
caractérisent l’Église en Suisse.
Dans le document du pape François « Querida Amazonia» l’approche d’entrée est
socio-culturelle et environnementale avant d’en dégager des horizons théologiques et
pastoraux. De même sont premiers notre contexte de vie ambiant, les besoins pastoraux
sur le terrain et puis viennent les solutions pragmatiques au sein des communautés.
Cela signifie : une formation actualisée des prêtres, l’insertion de laïcs – hommes et
femmes – comme des leaders permanents des communautés et la mise en place de
formes stables de leurs charismes.
En suivant cette lecture théologique, treize femmes agentes pastorales et théologiennes
– des femmes avec beaucoup d’expérience –viennent d’annoncer au Président de la
Conférence des Évêques Suisses qu’elles demanderont fin mai 2021 aux évêques, que
leur soit confiée la “mission” de prêcher, de baptiser, d’apporter le réconfort sacramentel
aux malades, d’entrer dans la réconciliation ou encore de présider l’eucharistie. Dans une
telle approche pastorale, les différents charismes sont confirmés en fonction des
qualités spécifiques des agentes pastorales – et non pas garantis en bloc par une
ordination sacerdotale ponctuelle et englobante. Le délai indiqué aux évêques
« jusqu’au mois de mai 2021 » est voulu afin qu’ils se préparent à leur demande.
Cette démarche s’inscrit dans la dynamique plus large de l’« initiative Junia » qui se met
actuellement en place à travers l’Europe. Elle s’articule en référence à la femme que
l’apôtre Paul mentionne dans sa lettre à la communauté de Rome (16,7) et qu’il salue
avec le titre d’« apôtre » (apostolos).

Gabriella Loser Friedli
Richard Friedli
Fribourg, mars 2020

PS. J’ai voulu compléter ces très intéressantes informations en demandant à Gabriella et
Richard de préciser certains termes ou certaines expériences. Voici l’interview.

Qu’appelez-vous « impôts paroissiaux obligatoires » ?
Réponse : Chaque citoyen/citoyenne doit mentionner son appartenance religieuse dans la
déclaration d’impôts fédérale, cantonale et communale. Selon la fortune et le revenu, des
impôts paroissiaux sont calculés pour les payer à l’institution religieuse à laquelle on
appartient.

Comment sont constitués les « conseils de paroisse »
En parallèle des conseils communaux ou cantonaux, toutes les personnes appartenant
à une institution religieuse élisent des conseils de paroisse, les catholiques pour l’Église
catholique, les protestants pour l’Église protestante, etc. Les conseillers sont civils et
doivent travailler selon le code civique et pas canonique. Ils gèrent les finances de la
paroisse (donc les impôts paroissiaux) et ils paient le salaire des prêtres/curés, la
formation des catéchistes, l’entretien de bâtiments, etc. Les prêtres/curés suivent les
séances des conseils mais sans droit de vote.

Qu’est-ce que vous appelez « assistant pastoral » ? Quelles fonctions peuvent-ils
exercer ? S’agit-il d’une nomination par l’évêque ou d’un choix par la communauté
locale ?
Les assistants/assistantes pastoraux sont des théologiens/théologiennes désirant travailler
au sein de l’Église catholique. Ils suivent une formation pastorale pratique d’une année.
Avec ce diplôme, les évêques peuvent les nommer pour les paroisses, pour à la fois
aider les curés ou les remplacer pour toutes les charges sauf l’Eucharistie. Dans la
pratique, avec le manque de prêtres, il y a beaucoup d’assistants qui dirigent les
paroisses et ils remplissent toutes les tâches et services d’un prêtre, sauf la célébration de
l’Eucharistie. Les sacrements peuvent être donnés aux fidèles dans des situations
d’urgence par des baptisés ; or, par le fait du manque de prêtres, il y a état d’urgence permanent !

  1. En général, comment réagissent les fidèles lorsqu’un prêtre avec compagne devient assistant pastoral ?
    Normalement les fidèles sont très contents, surtout parce que les anciens prêtres sont
    très motivés avec beaucoup d’expérience, et ils font un super travail.
    PS : Il y a quelques années, les évêques de la Suisse ont fait venir des prêtres de
    l’étranger : par exemple de Pologne, d’Afrique, du Vietnam ou même de France.
    Pour ces prêtres, ce système Suisse dualiste est très difficile à comprendre et à vivre. Ils
    ne sont pas habitués à « partager le pouvoir » et par leur sacerdoce, ils se sentent
    supérieurs aux laïcs, mais la vie quotidienne les force d’accepter ce fait à contre cœur.
    Pour les laïcs, il y a des portes d’ouverture et un petit peu plus de démocratie que dans
    d’autres pays.

Richard Friedli
et Gabriella Loser Friedli
19 mai 2020 


Ndlr : C’est en septembre 2000 que Gabriella, avec d’autres femmes qui vivaient la même
situation, a créé Zöfra. Elle a présidé l’Association jusqu’en 2017. J’avais été très étonné d’entendre
parler de ministère pastoral attribué à des prêtres ayant fait le choix de l’amour. En France, ce
choix est sanctionné par l’expulsion de tout ministère.
Certains prêtres s’en excluent d’eux-mêmes avant de solliciter ensuite la reconduction à l’état laïc pour d’autres raisons et en particulier parce qu’ils ne sont plus d’accord avec les positions de la hiérarchie sur bien des points, à commencer par toutes les questions concernant la sexualité : avortement, procréation assistée, célibat et même tout simplement gestion des naissances dans un couple.
Je tiens à remercier chaleureusement nos amis de cette présentation.
Combien de prêtres en France sont allés rencontrer leur évêque pour lui confier : «Voilà ! Je viens vous avertir « J’aime une femme. Et nous avons décidé de créer une famille. » Et certains d’ajouter : « Si,
malgré cela, vous pensez que je peux être utile à l’Église, je serais heureux d’entendre vos propositions. » La réponse a été pendant longtemps du même tabac, un peu comme un refrain préenregistré : « Vous devez quitter le presbytère. Et partir le plus vite possible  et le plus loin possible. N’avertissez pas vos
paroissiens. Je m’en chargerai. » Mais sans un sou ! Par la suite, quelquefois, la réponse a un peu varié.
L’attitude est devenue parfois plus à l’écoute : « Tant qu’il n’y a pas scandale, vous pouvez
continuer mais attention, soyez discrets. Sinon je serais obligé… » Obligé à quoi ? Et
pourquoi ? D’autres fois l’évêque a accepté de maintenitr le salaire – ou du moins ce qui en tient lieu (500 à 600 euros en 2020. Pas de qui aller faire la noce !

L‘intervention que nous venons de lire nous apporte un autre écho. D’autres pratiques sont donc possibles puisqu’elles le sont même dans un pays d’Europe ; chez notre plus proche voisin ! Chose étonnante, cependant, nous ne nous souvenons pas d’avoir lu cela rapporté dans la
presse française, catholique ou non. La Suisse, ce n’est pourtant pas bien loin !
Aurait-on peur de la contamination ? Peut-on inciter les journalistes à faire preuve
d’un peu plus de curiosité ! Par contre, si nous avions raté une marche, Merci de nous le
signaler !

Jean Combe

Une Info : « Une femme sera bientôt nommée Vicaire général pour le Diocèse de Lausanne, Genève et

Fribourg par Mgr Charles Morerod. Il s’agit de Marianne Pohl-Henzen, mère de famille !
« 

Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, a nommé Marianne Pohl-Henzen déléguée épiscopale pour la partie germanophone du canton de Fribourg dès le 1er août 2020. Elle succédera ainsi au Père Pascal Marquard, vicaire épiscopal depuis 2017. 

Marianne Pohl-Henzen occupe depuis huit ans la place d’adjointe du vicaire épiscopal pour le «Deutschfreiburg». A ce poste, elle a collaboré avec trois vicaires épiscopaux successifs. À partir du 1er août, elle sera elle-même la responsable régionale au nom de l’évêque et par conséquent membre du Conseil épiscopal. 

Non à la messe routine ?

Publié le Mis à jour le

J‘avais terriblement envie de faire un article pour montrer le contraste que nous constatons tous en cette période de confinement.
D’un côté des tas d’innovations. Les gens se surpassent pour transmettre via WhatsApp ou autre des tas d’histoires, de réflexions, de caricatures, de dessins humoristiques…  les gens se surpassent pour imaginer des actes de solidarités ; les personnels soignants se surpassent pour assurer malgré la fatigue et le risque des soins assidus. Les entreprises et les enseignants rivalisent d’ingéniosité en pratiquant comme jamais le télé-travail…
Et puis, de l’autre côté une église catholique qui conserve ses formes figées allant jusqu’au ridicule quelques fois : des curés, voire des évêques montant sur leur clocher ou sur les hauteurs de Fourvière pour bénir la ville endormie avec un ostensoir. On a même vu dans l’Hérault un curé se baladant dans les rues de son village en voiture porteur du même ostensoir; (il est vrai que, doutant peut-être de l’efficacité de son geste, il avait convoqué la presse pour en faire le témoin de sa sollicitude envers ses paroissiens ! à défaut, c’est toujours ça de gagné ) ; on a entendu un évêque appelant de Toulouse à comptabiliser ses Ave Maria  pour parvenir au plan diocésain au chiffre spectaculaire de 500.000 ; on se serait cru au jeu des mille francs…Et puis on a entendu ces plaintes épiscopales : rendez-nous nos messes ! On voudrait anticiper la réouverture de nos lieux de culte !…

Et j’en passe !
C’est à désespérer. Nous nous trouvons en face d’une vieille institution incapable de se réformer, incapable de retrouver son sens profond.
Et puis voilà que je tombe sur cet article de Paul Fleuret paru dans la revue Golias-hebdo.
Magnifique. Je vous laisse le lire en paix.

Je vous recommande en outre d’aller lire l’article suivant : « Jacques Gaillot face à la demande de réouverture anticipée des lieux de culte ». Lien actif >>>ICI

Non à la messe spectacle !

9 avril 2020  14 commentaires

Dimanche 29 mars. Je regarde la messe à la télé. Elle a lieu dans un studio et est présidée par un prêtre assomptionniste en présence de trois dominicains du couvent Saint-Jacques. Le président est revêtu d’une chasuble et les trois prêtres dominicains sont en habit conventuel avec une étole. Pas d’assistance mais par la suite, on découvre la présence de deux femmes. Sur la table-autel, une petite croix «à l’ancienne», pas très belle, deux lumignons et pas de fleurs.

La célébration commence par un chant assuré par les trois dominicains qui font office de chorale. Célébration classique, habituelle : il ne manque pas une virgule au rituel romain établi. Rien d’innovant en cette circonstance particulière de confinement. Deux femmes qu’on n’avait pas vues jusque-là surgissent au moment des lectures bibliques qu’elles assurent après une profonde inclination devant la table-autel – je l’ai dit : rien ne manque. Au moment de la communion, chacun des prêtres prend une hostie et la trempe dans le vin. C’est la communion « sous les deux espèces pas mode d’intinction ». Intinction ? Que signifie ce mot du charabia ecclésial ? Coup d’œil au site de l’Eglise catholique en France : « Le verbe latin intingere signifie littéralement « mouiller » (tingere) « dans » (in).L’intinction est l’acte de tremper quelque chose dans un liquide. La communion par intinction est une des façons de communier sous les deux espèces : le prêtre trempe l’hostie dans le calice contenant le Précieux Sang, avant de la déposer sur la langue du communiant. » On peut noter le vocabulaire du sérail ecclésiastique : les deux espèces, le Précieux Sang – vocabulaire très discutable et incompréhensible au commun des croyants. Mais au fait, les deux femmes lectrices des textes bibliques n’ont pas eu droit à communier ? Eh non ! Pourquoi ? Sans doute parce qu’il aurait fallu qu’elles prennent elles-mêmes l’hostie sur la patène… Après la communion, sur un fond musical à la cithare, une voix off et féminine lit un texte du pape sous forme de prière. Fin de la messe : quelques annonces et souhaits. Vient l’envoi : « Allez et demeurez dans la paix du Christ », dit le prêtre.


C’est décidé : je ne regarderai plus ces messes-spectacles, ces messes confinées entre mâles où les femmes sont moins que rien et où le spectateur n’est que spectateur d’un rite qu’il connaît par cœur. Ces rites eucharistiques qui devraient être un repas, mémorial du dernier repas de Jésus au terme d’une vie engagée, et qui sont en fait une parodie de repas… où l’on ne peut manger le pain partagé (et de plus pas même partagé avec les femmes présentes dans les coulisses). Ces rites figés, la «messe de toujours» comme disent les intégristes – en parlant, eux, du rite de Pie V. Et que dire de l’invitation finale : « Allez dans la paix… » alors qu’on n’a pas – à juste titre – le droit d’aller ailleurs que du salon à la cuisine et à la chambre et au jardin pour les plus chanceux ?


Qu’aurait-il fallu faire d’autre ? Je ne sais mais je suis sûr qu’il aurait été possible d’inventer, de créer, de sortir du tout fait en sortant de la routine. Il est certainement possible de susciter la participation du spectateur : moments de silence musicaux pour inviter à une réflexion-méditation personnelle, choix de chants très connus pour que qui veut chanter chez lui le puisse aussi. Et invention, que diable ! C’est-à-dire sortir de la messe obligatoire, pour une fois, et inventer une célébration autour des textes bibliques !

Et si l’on tient absolument à ce que l’eucharistie ait lieu, abandonner le cléricalisme et le sacré. Quel besoin, par exemple, de s’habiller d’une chasuble, qui n’est qu’un reste du vêtement de cour dans l’Empire romain de Constantinople ? Quel besoin à ce que quatre prêtres disent ensemble les paroles de l’institution eucharistique ? (n’est-on pas alors dans la magie ?) Quel besoin de dire la prière eucharistique officielle avec son langage suranné et incompréhensible ? (Langage incompréhensible ? Par exemple : « Offrande vivante et sainte … le sacrifice de ton Église… Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire… par le sacrifice qui nous réconcilie avec toi…»).

En fait, ce qui est dit ici est valable pour les liturgies habituelles hors période de confinement. On reste dans le rituel, dans l’habituel. Et surtout dans le sacré lequel n’est pas une valeur chrétienne. On ne sort pas d’un langage hérité de l’antiquité chrétienne, langage teinté de théologie et de philosophie gréco-latines : les Prières eucharistiques en vigueur sont des traductions légèrement modernises de prières reçues des premiers siècles. Et l’on s’étonne que les fidèles soient de moins en moins fidèles dans leur présence à ce qui n’est la plupart du temps qu’un spectacle joué par le clergé… 
Paul Fleuret

Accueil des réfugiés : Conseil inter-religieux Suisse

Publié le

Je vous invite à cliquer sur ce lien pour lire la déclaration du Conseil Suisse des religions -inter-religieux)

« En face, il y a toujours un être humain »

Adopté par
la Fédération suisse des communautés israélites FSCI
la Fédération des Églises protestantes de Suisse FEPS
la Conférence des évêques suisses CES
l’Église catholique-chrétienne de la Suisse ECC
la Coordination des organisations islamiques de Suisse COIS
la Fédération d’organisations islamiques de Suisse FOIS
Publié par le Conseil suisse des religions SCR
Avec le soutien du Bureau du HCR pour la Suisse
et le Liechtenstein

Considérations religieuses et éthiques 5
Les fondements religieux d’une humanité commune
Cinq appels en faveur de la protection des réfugiés 7

  1. Protection sur place 8
  2. Voies d’accès légales 9
  3. Des procédures d’asile équitables et efficaces 10
  4. Intégration – participation égalitaire 12
  5. Renvois dans la dignité 14
    Mise en contexte 15
    Les communautés religieuses coopèrent
    avec la communauté internationale
    En face, il y a toujours un être humain
    « 

Plus de 68 millions de personnes dans le
monde étaient en fuite à la fin 2017 – la moitié d’entre elles étant des enfants. Depuis la
Seconde Guerre mondiale, jamais autant de
personnes n’avaient été forcées de quitter leur
foyer en quête d’un refuge, de protection et
d’un nouveau cadre de (sur-)vie. 85% des réfugiés à travers le monde se trouvent dans des
pays en développement. Au Liban par exemple,
on compte un réfugié pour quatre habitants.
Malgré le manque – voire l’absence – de ressources structurelles et financières adaptées,
ces pays ont démontré une grande disposition
à l’accueil. Dans les pays aisés d’Europe, et bien
qu’il n’y arrive qu’un réfugié pour 400 habitants,
la solidarité avec les réfugiés est souvent fortement remise en question. L’idée d’une seule famille humaine, solidaire, telle que définie par la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, semble ainsi s’être moins bien concrétisée dans es pays riches que dans des pays plus pauvres.
Du point de vue humanitaire et juridique, les réfugiés sont confrontés à un dilemme tragique: les principaux pays d’accueil ne disposent souvent que de peu de ressources, et n’offrent pas de mécanismes de protection fiables. Une grande partie des pays qui disposent de tels mécanismes, en revanche, poursuivent une politique toujours plus rigide à l’égard des réfugiés. Les réfugiés se retrouvent en conséquence dans une situation juridique précaire, voire dans une zone de non-droit. Les lieux où les personnes en fuite trouvent refuge ne leur offrent souvent ni perspectives ni protection fiable. A l’inverse, l’accès aux pays où ces mécanismes de protection existent leur est souvent rendu plus difficile, voire leur est refusé.

Cinq appels en
faveur de la protection
des réfugiés
Fortes de cette conviction et de leur expérience
en matière de réfugiés, les communautés religieuses lancent un appel à l’État et à la politique.
En dialogue avec ces derniers, ces appels visent
à ouvrir de nouvelles perspectives. Ils désignent
cependant aussi des champs où les communautés religieuses elles-mêmes peuvent agir afin
d’apporter une contribution à la protection des
personnes déplacées de force. Ils ont été définis
conjointement par les communautés religieuses
signataires, en collaboration avec le Bureau du
HCR pour la Suisse et le Liechtenstein.

Cinq Propositions :
Protection sur place
Voies d’accès légales
Des procédures d’asile équitables et efficaces
Intégration – participation égalitaire
Renvois dans la dignité

Berne, 7 novembre 2018

A propos des révélations concernant Jean Vanier, fondateur de l’Arche

Publié le Mis à jour le

Mgr Gérard Daucourt écrit :

publié lé 29 FÉVRIER 2020 par KOZ in SOCIÉTÉdans28 COMMENTAIRESsur a propos de jean vanier, une lettre de mgr gérard daucourt

Les révélations concernant Jean Vanier plongent nombre de chrétiens dans le désarroi. Comment concilier l’image ou la connaissance qu’ils avaient de l’homme, l’expérience personnelle du secours qu’il a pu leur apporter, et le mal incontestable qu’il a commis ? Comment comprendre encore qu’il ait pu, d’après les témoignages reçus, adhérer à des théories mystiques aberrantes voire scandaleuses ?
Gérard Daucourt, évêque émérite de Nanterre, a été aumônier d’une communauté de l’Arche et évêque accompagnateur de la Fédération internationale des communautés de l’Arche.

Cette letre est publiée avec son accord exprès : « Ma lettre ne peut pas être privée si elle peut aider d’une façon ou d’une autre« . »


Chers amis, Depuis que sont connues les terribles révélations concernant Jean Vanier, vous êtes très nombreux à me manifester votre sympathie et à me partager vos réactions. Je vous remercie beaucoup pour votre amitié et vos prières.

Je suis moi-même sidéré et d’abord profondément attristé pour les personnes abusées par Jean et pour les communautés de l’Arche touchées par ce scandale et desquelles j’ai tant reçu.

Je rends hommage aux femmes qui ont osé parler pour que l’Arche trouve un chemin juste et vrai et évite de pareilles dérives. Je pense à leurs souffrances. Je suis en admiration devant ce qu’ont fait, écrit et dit les responsables de l’Arche, Stéphane Posner, Stacy Cates-Carney, Pierre Jacquand et Mgr d’Ornellas pour que nous soyons dans la vérité . L’Arche sera plus libre.

Habité par une tristesse infinie, je suis bouleversé et très secoué. Entre Jean et moi depuis près de 50 ans s’était établi un lien très fort. Il m’a beaucoup apporté, beaucoup aidé. Lui et les membres des communautés de l’Arche ont profondément marqué mon ministère de prêtre et d’évêque, vous le savez, vous l’avez constaté. Jean m’a toujours donné de très sages conseils. Il m’a même une ou deux fois empêché de couler alors que me submergeaient les eaux de grandes épreuves dans mon ministère. Oui, le bien qu’il m’a fait et qu’il a fait à des milliers de personnes est immense et demeure. Avec lui et dans les communautés de l’Arche, j’ai appris ce qu’est l’Eglise : une communauté de miséricorde et d’espérance, de fête et de pardon et de service, dans laquelle pauvretés et richesses sont mises en commun par ses membres qui tous ont besoin les uns des autres ( cf. le lavement des pieds ) pour grandir et avancer. Jean et l’Arche m’ont conduit et tenu au cœur de l’Evangile. Ma gratitude est, reste et restera toujours immense.

C’estde ces sommets lumineux que maintenant j’attrape le vertige car je dois aussi regarder cette face cachée de Jean qui nous est révélée. Je tombe dans l’incroyable et dans l’incompréhensible. Et pourtant c’est vrai, c’est vérifié, c’est prouvé.

C’est de ces sommets lumineux que maintenant j’attrape le vertige car je dois aussi regarder cette face cachée de Jean qui nous est révélée. Je tombe dans l’incroyable et dans l’incompréhensible. Et pourtant c’est vrai, c’est vérifié, c’est prouvé. Si Jean avait eu des écarts contraires à la chasteté et à un juste comportement moral chrétien, je l’aurais regretté sans juger, trop conscient que je suis de ne pas pouvoir jeter la première pierre. Mais il s’agit de bien autre chose : Jean a porté atteinte à la liberté de plusieurs femmes, à leur intégrité. Il a abusé d’elles en accompagnement spirituel y compris sexuellement et les a fait souffrir. C’est totalement condamnable.

Mais ce n’est pas tout et c’est ici que je ne comprends plus rien. C’est par le Père Thomas que Jean a été initié à ces scandaleuses pratiques. Il adhérait (au moins jusqu’en 2005 ) aux théories érotico-pseudo mystiques de ce religieux. Jean Vanier, professeur de philosophie, homme de grande culture, de renommée internationale, ami et défenseur des opprimés et de tous les pauvres, comment croyait-il que ces théories et pratiques aussi stupides que nuisibles, avait comme origine un secret confié au Père Thomas (par Dieu ? La Vierge Marie ? En tous cas dans une soi-disante expérience prétendument spirituelle engendrant une perversion) ? Un secret que pour le moment l’Eglise ne peut pas comprendre (dixit le Père Thomas qui , à l’époque, ne s’est pas étonné que Jean XXIII demande à Jean Vanier de se séparer du Père Thomas car ce pape ne pouvait pas comprendre ! ) Je ne sais pas comment Jean pouvait croire et vivre cela et écouter cette « petite voix de la conscience » dont il nous parlait si souvent. S’il s’est tu sur ses actes et a menti en disant ne pas connaître ceux du Père Thomas, est-ce parce qu’il jugeait quand même que c’était mauvais ou parce qu’il pensait lui aussi que nous ne pourrions pas comprendre pour le moment ? En tout cas c’est inacceptable et ça dépasse l’entendement quand on a aimé Jean Vanier, qu’on connaît la profondeur de son message et le rayonnement de sa personnalité. Pourtant je ne peux que reconnaître cette stupéfiante réalité, m’interroger et accepter dans la douleur de ne pas avoir de réponse.

Pourquoi a-t-il nié jusqu’au bout (sauf peu avant sa mort en demandant pardon à une des personnes mais en lui disant : « je croyais que c’était bon pour toi ») ? J’ai entendu quelqu’un dire que Jean pouvait être un schizophrène amnésique dont des actes ne touchent plus la conscience. Je ne sais pas si ceci tient debout en psychologie et psychiatrie. En tout cas ça n’enlève rien ni à la gravité des actes commis, ni aux souffrances causées, ni à notre désolation. Ça montre aussi comment, de sa jeunesse à sa mort, Jean a subi d’une manière incroyable l’emprise du Père Thomas.

Les révélations qui ont été faites ont des conséquences incalculables. Je pense d’abord aux communautés de l’Arche et de Foi et Lumière tellement secouées. J’ai confiance en leur avenir car j’ai la certitude que ce sont les personnes avec un handicap qui, par leur simplicité et leur force pour vivre au présent, vont nous aider tous à avancer par la grâce de Dieu. Présence mystérieuse de Jésus qui s’est identifié à eux, ne sont-ils pas tous des sources d’unité ?

Cette affaire est aussi un sale coup pour la mission de l’Eglise et pour ceux qui hors d’elle sont au service des pauvres, des handicapés, des exclus, des opprimés. Je pense également à tous les chercheurs de sens qui se tournent ou se tournaient vers Dieu, vers l’Evangile.

Je ne peux oublier ceux qui constamment attaquent les chrétiens (« tous hypocrites dans cette Eglise hypocrite »). Ces derniers vont trouver de l’eau pour leur moulin.

Je ne me console pas mais par la prière et la Parole de Dieu, je tente de fortifier ma foi et mon espérance pour traverser ce ravin. Ma foi est intacte mais elle est interrogée.

Reconnaissons-le : un sérieux coup de frein est donné à l’annonce de la Bonne Nouvelle. Je ne me console pas mais par la prière et la Parole de Dieu, je tente de fortifier ma foi et mon espérance pour traverser ce ravin. Ma foi est intacte mais elle est interrogée. Elle  ne me donne pas des réponses et solutions à tout. Marchant avec ma raison, elle m’oblige à regarder les réalités humaines en face et à en tenir compte. Je refuse de « spiritualiser » faussement cette tragédie avec des mots pieux et je continue d’avancer en étant sûr que ni la mort, ni la vie… ni aucune créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur ( Rm 8, 38-39 ).

Je m’interroge encore sur une autre conséquence. C’est Jean Vanier qui, par ses retraites et conférences, ses livres et ses contacts, maintenait le lien historique et spirituel entre l’Arche et son berceau, c’est-à-dire l’Evangile et donc le Seigneur Jésus. La référence à Jean lui-même va certainement s’atténuer et donc aussi la référence explicite au berceau de l’Arche. Pour assurer l’avenir d’une Arche ouverte à tous, il faut espérer qu’il y aura toujours en son sein des chrétiens capables de rendre compte en paroles et en actes de ce qu’elle a reçu à son berceau car l’Évangile fait partie de l’identité de l’Arche.  C’est en tout cas ma conviction personnelle.

Chers amis, « en prière avec vous au milieu des ruines de Jérusalem », m’a écrit un ami moine. Oui, il y a des ruines et tous les habitants du pays de l’Arche sont en exil et nous avec eux. Il n’y a plus « le prophète » et nous peinons à écouter sa voix d’autrefois pourtant toujours valable. Mais « le temple » (= l’Arche + Foi et Lumière) n’est pas détruit et les petits et les pauvres sont des prophètes qui appellent à l’amour, fruit de la compassion, de la justice et de la vérité. Nous avons tous à faire en sorte que notre exil soit un exode qui à travers cette épreuve nous conduira à la liberté d’une terre promise.  Les deux coordinateurs internationaux de l’Arche, dans leur message aux communautés ont écrit : ce que nous apprenons aujourd’hui est une épreuve et nous déstabilise mais ce que nous perdons en certitude, nous espérons le gagner en maturité et poursuivre l’Arche avec davantage de justesse et de liberté. Oui, je le crois, une épreuve peut nous faire perdre pour gagner plus et mieux. Et même : les ronces qui entravent notre marche alimentent un feu qui éclaire le chemin, comme l’a écrit frère Alois de Taizé. Prenons appui sur le Seigneur. Demandons la lumière et la force du Saint Esprit. Prions pour l’Arche et Foi et Lumière et pour tous leurs membres et leurs amis. Il faut que tous puissent chanter dès maintenant : Voici Dieu qui vient à mon secours. Le Seigneur avec ceux qui me soutiennent. Je te chante car Tu me relèves (Taizé).

Avec ma prière aussi pour vous tous et mon amitié.

+ Gérard Daucourt

24 février 2020