Mois: Mai 2021

Ne m’appelez plus jamais « enfant du péché » !

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(Cet article, comme le précédent, est paru dans la revue « Golias hebdo)
La règle du célibat imposée aux seuls prêtres de l’église catholique a mis bien du temps, bien des siècles pour s’imposer. Mais en fait, on pourrait même dire qu’elle ne s’est jamais pleinement imposée dans les mœurs.
Cette question ne faisait pas problème lorsque les premiers témoins qui ont accompagné Jésus ont suscité les premières communautés. On ne se souciait pas du statut matrimonial de ceux qui étaient choisis comme leaders d’une communauté en fonction de leur qualité d’animateur et de leur comportement évangélique.
Le premier tournant a été pris deux siècles plus tard lorsque des hommes ont souhaité vivre une vie qu’ils estimaient plus parfaite. Ils se sont isolés dans le désert pour y vivre une vie à l’écart de la société et sans épouse. A l’écart ? Pas tout à fait car il fallait bien manger et les corbeaux n’étaient pas toujours au rendez-vous !
Un certain Paul voulait d’abord fuir la persécution féroce de l’Empereur romain Dèce mais aussi la vindicte de son frère pour une question d’héritage familial. Il prit donc la fuite au désert égyptien. Il était natif de Thèbes et cela se passait vers 250. [1] Jérôme lui-même partit à sa rencontre ; il y découvrit ainsi la vie érémitique ; un véritable engouement s’empara de nombreux chrétiens soucieux d’une vie plus évangélique, pensaient-ils; la solitude laissait plus de place pour prier et méditer. La première secousse viendra d’Espagne en 305 avec le concile ou synode provincial d’Elvire (aujourd’hui un quartier de Grenade). « II convient donc d’imposer aux prêtres, diacres ainsi qu’à l’ensemble des clercs de s’abstenir de toute relation sexuelle avec leurs épouses et de toute procréation. » Canon33. Il ne s’agit pas encore de célibat véritable. On n’exige pas que les prêtres renoncent au mariage ni qu’ils répudient leurs épouses. Ce n’était qu’une première étape. On estime que vers l’an 1000, la plupart des prêtres étaient encore mariés. Robert d’Arbrissel, le fondateur de la célèbre Abbaye de Fontevraud, était fils d’un prêtre, lui-même fils et petit-fils de prêtre ; c’était dans les années 1100. 

Pourquoi en effet vouloir faire d’un animateur de communauté un moine, c’est à dire quelqu’un qui a choisi à titre tout à fait personnel de s’engager dans une voie qui lui parait plus sanctifiante en pratiquant pauvreté, chasteté et obéissance à un supérieur ? N’y-a-t-il pas confusion entre fonction et style de vie ? Mais on a continué à vouloir calquer l’un sur l’autre. Surtout la hiérarchie a voulu préserver les biens d’église car d’une part l’église était riche de donations de rois, de princes, de seigneurs en tous genres qui prétendaient ainsi protéger leur avenir après la mort; on croirait entendre la parole de l’évangile lorsque ledit mauvais riche s’en va n’écoutant pas le conseil de jésus; il est écrit : « car il avait de grands biens ! » La richesse a une fonction particulière : elle ferme les oreilles ! les enfants de prêtres n’étaient plus alors des héritiers de leur père mais des bâtards !
On retrouvera la même conjoncture lorsque, à l’aube de la réforme grégorienne, les ordres religieux naissent en grand nombre : de 1086 à 1216, Chartreux, Prémontrés, Cisterciens à l’Abbaye de Cîteaux (qui essaima rapidement, 500 maisons en 1298), Franciscains, Dominicains… Les monastères s’érigent aux quatre coins de la chrétienté et particulièrement en France. Les grandes cathédrales et Basiliques poussent comme des champignons : Verdun, Vézelay, Vienne, Toulouse, Saint Denis, Notre Dame de Paris… Et la plupart des Papes sont alors des religieux. Les chrétiens de cette époque moyenâgeuse sont fortement sollicités pour se préparer dès ici-bas une place au Paradis ; les prédicateurs sont éloquents sur ce thème. Dans ce même esprit, les Princes aussi sont fortement conviés à donner à l’église une partie de leur patrimoine.
Il fallait évoquer cette conjonction historique pour comprendre l’impact de la Réforme grégorienne. Propulsée par des moines, elle aboutit naturellement aux fameux Conciles de Latran. En 1139, le Pape Innocent 2 franchit le pas juridique décisif : on ne se contenta pas d’interdire le mariage des prêtres en le rendant « illicite » ; on déclare simplement que toute union conjugale postérieure à l’ordination est nulle ; ce qui a pour effet indirect d’invalider rétroactivement les unions conjugales conclues précédemment en tout légalité. Etrange, non ? cette manière de faire vis à vis d’un acte dit indissoluble !  Déclarer non valide un mariage précédent ? N’importe quoi ! aucune loi n’a un effet effet rétroactif. Si ! En dictature !
En conséquence, on se refusa aussi d’ordonner des hommes qu’on savait mariés. Quelle époque ! Le pape récupère sur l’Empereur du saint Empire Romain Germanique la nomination des évêques et donc augmente son pouvoir sur eux (Concordat de Worms approuvé par le précédent Concile) ; les évêques augmentent aussi leur pouvoir de contrôle sur la vie des prêtres désormais contraints – en principe – au célibat.  Ce n’est pas un hasard si le grand schisme entre catholiques et orthodoxes survient à l’époque de la réforme grégorienne ; ces derniers avaient en effet décidé de garder un clergé marié ou non selon son choix.

Mais les réticences furent fortes et bien des légats pontificaux ou des évêques furent menacés physiquement lorsqu’ils allèrent défendre ces positions à la base. Le Pape lui-même fut traité ouvertement d’hérétique. Les mariages secrets, on pourrait dire familiaux, continuèrent ; si bien que le Concile de Trente, quatre siècles après, imagina un second système de contrôle : il devenait nécessaire de contracter une union conjugale en présence d’un prêtre territorialement compétent et de témoins ; cela n’était pas obligatoire jusque-là. Mais on raconte que l’évêque de Constance infligeait des amendes à ses prêtres chaque fois qu’ils avaient un enfant : c’était pourtant en 1521 !

Qu’en est-il aujourd’hui ? Aucune statistique ! David Weber, lui-même enfant de prêtre, parle de plusieurs milliers d’enfants de prêtres ou de religieux en Allemagne. Il a créé la fondation « Droits de l’homme pour Enfants de prêtres » « Menschenrechte für Priesterkinder ». En 2010, le journal anglais The Gardian, dans un article, avance un chiffre de 1.000 enfants nés de prêtres en Grande-Bretagne et en Irlande. Aujourd’hui on estime à 100.000 départs de prêtres entre 1960 et 2000.

Jamais je ne dirai ou supporterai que l’on dise que je suis un « enfant du péché ».

Ces condamnations, ces exclusions, ces méchancetés ne sont-elles pas un puissant révélateur d’un certain état d’esprit d’intolérance ? C’est le moins qu’on puisse dire ! Pourquoi en effet ne pas rejeter dans l’abime ceux qui ont osé transgresser les règles fixées par cette Eglise qui a La vérité, ‘qui ne peut ni se tromper ni nous tromper’, comme le disait le catéchisme ! Il ne faut pas s’étonner si cela a influé sur la vie du couple et donc sur le mental des enfants. Certains ont été très perturbés et le restent encore 20, 30 ans après. Nous avons recueilli certains témoignages. Plusieurs sont allés jusqu’au suicide !

 Aujourd’hui la volonté de lutter contre le cléricalisme apparait comme une ligne d’engagement fort ; elle passe assurément par une désacralisation du rôle du prêtre. Alors on appréciera ces arguments de choc du Cardinal Humbert, légat du Pape auprès des orthodoxes et qui, par sa rigueur, précipita la scission en 1054 ; il parlait des prêtres mariés comme « de jeunes époux épuisés par le plaisir charnel qui servent à l’autel ; puis, après leur service, retournent étreindre leurs femmes de leurs mains sanctifiées par le corps immaculé du Christ. » Un peu plus tard, le Pape Innocent 2, bénédictin, celui qui convoqua le Concile de Latran2, affirmait : « Les prêtres étant les Temples de Dieu, les réceptacles du Seigneur et les sanctuaires de l’Esprit Saint, ils font offense à leur dignité en prenant place dans des lits conjugaux et en vivant dans l’impureté. » Il parlait pourtant des prêtres régulièrement mariés à cette époque ! On est un peu surpris d’entendre parler d’impureté attachée à la vie conjugale, donc de souillure du prêtre par le mariage ! Obsession ! Une crispation sur la sexualité ! Augustin et sa concupiscence ont essaimé jusque-là ! On pourrait faire une litanie de citations de ce genre !
Cinq siècles plus tard, aujourd’hui même, on retrouvera en écho ces mêmes errements dans la manière dont sont perçus les amours de prêtres. Le discrédit jeté sur les « prêtres infidèles » aboutira quelques fois à des actions dont l’inhumanité nous bouleverse aujourd’hui. « Partez le plus vite possible et le plus loin possible. » Tel était à l’époque, et quelques fois encore aujourd’hui, le refrain ne varietur de certains évêques à des prêtres amoureux. A un couple venu lui annoncer leur intention de se marier, un évêque (aujourd’hui heureusement à la retraite !) ne leur a-t-il pas jeté ce couplet de condamnation : « Je vous le dis. Vous irez bruler en enfer. »  (Diantre ! ça existe encore ?)
Tel ami, aujourd’hui prêtre marié, a même été interdit d’assister à l’enterrement de son père : la famille, des bons chrétiens, en avait ainsi décidé ! Un ancien confrère n’avait-il pas déconseillé fortement à sa mère de le recevoir chez elle : « Ce serait approuver son acte ! »( [2]) C’est beau quand même la fraternité sacerdotale !
Pa contre, un couple, qui souhaitait rencontrer l’évêque du prêtre, se fait inviter par lui à prendre le petit-déjeuner. La femme, visiblement surprise, raconte : « Il s’est intéressé à mon travail ; il s’est soucié du travail que Bertrand devrait trouver. » Au moment de se quitter, il a simplement dit : « Aimez-vous et soyez heureux. » L’évêque siégeait à Evreux ; il s’appelait Jacques Gaillot. ([3]) Il était donc possible d’agir autrement ?
« Personne de ma famille n’a connu mon existence, dit Agnès ([4]), jusqu’à ce que je fasse paraître un article dans le journal local pour raconter mon histoire. » Sa mère, orpheline, avait été recueillie par des religieuses et, pour les remercier, elle s’est sentie en demeure de prendre le voile. Son père, curé de paroisse, n’a jamais voulu quitter son ministère. « Quand elle me parlait de mon père, ma mère me disait qu’il était prof de français. Ce n’est que vers l’âge de vingt ans que la vérité m’a été dévoilée. »
« Ce que je retiens de cette histoire, dit Agnès, c’est que je suis un enfant de l’amour, l’enfant de deux êtres qui se sont aimés passionnément, même si on leur en a refusé le droit.
————–
Habemus papa !

« – Il fait quoi comme métier ton papa ?

– Je ne sais pas.

– Il a quel âge ton papa ?

– Je ne sais pas.

– Il a quoi comme voiture ton papa ?

– Je ne sais pas.

– Tu ne le connais pas, ton papa ?

– Non.

– Eh bien, alors, tu n’as pas de papa.

– ….. Je découvre alors que je ne suis pas comme les autres. J’ai 4 ans.

– Maman, il est où papa ?

– …. (Dans son silence, une larme perle au coin de son œil)

– Maman, pourquoi papa est parti ?

– …. (Dans son silence, une tristesse profonde se lit dans son regard)

– Maman, pourquoi je n’ai pas de papa ?

– … (Dans son silence, une détresse s’échappe de tout son être)

Je découvre alors que je n’aurai aucune réponse de maman. J’ai 4 ans.

A partir de ces instants, la solitude et le silence sont entrés dans ma vie.

Je n’ai connu ni l’insouciance, ni l’innocence de la petite enfance.

Papa, ou es-tu ? Pourquoi m’as-tu abandonnée ? » … ([5])

Mais où est-il donc ce père que l’enfant appelle à grand cri ? Où sont-ils ces pères ?
Il sont quelque part, dans une paroisse, en train de prêcher, de baptiser, de confesser. En train de prêcher l’amour fraternel, le souci du prochain, la priorité aux plus pauvres ! Lui, il a choisi de continuer son ministère. Il n’a même rien dit à son évêque. Pour découvrir que son père est un prêtre, Marie devra longtemps insister auprès de sa mère pour briser le silence. Elle a alors 30 ans ! Pendant 30 ans elle aura été privée de l’amour et du soutien paternels, privée aussi de connaître ses origines.
« Secret de famille et poids du silence, deux paramètres de mon existence qui ont entravé pendant 42 ans et demi le développement de ma personnalité profonde et son épanouissement, dit Anne Oxford. Un silence lourd et pesant, un silence insidieux, un poids que j’ai porté tout au long de ces années et qui peu à peu se dissipe depuis la révélation en 2014.»[6] On sait comment cette connaissance entre dans la construction de l’identité de l’enfant, notamment en le situant dans une lignée, avec une place dans la succession des générations. A qui je ressemble ? cette tendance que j’ai, me vient-elle de mon père ? Et cette capacité que je me découvre, est-ce un héritage de lui ? Les autres portent le nom de leur père. Moi, je n’ai pas de père. Je porte le nom de ma mère… Mais la mère ne disait rien... Sans parler quelques fois des railleries de copains malveillants !

Quelque part en Afrique, dans l’un des pays de l’ouest, une femme élève ses jumeaux, une fille et un garçon. Que du bonheur ! Sauf que cette femme est seule. Ils ont 3 ans aujourd’hui. Un missionnaire venu d’un pays d’Europe pour y prêcher l’évangile a été précipitamment rapatrié. Après la naissance, son supérieur est venu voir la mère; en fait c’était, dit-elle, « pour voir la tête des enfants et se rendre compte s’ils ressemblaient au Père P. »! Mais depuis, aucune nouvelle de personne et la mère ne sait plus à qui s’adresser pour obtenir l’aide qu’on lui doit. Au moins le minimum pour élever ses jumeaux !! Combien sont-elles dans ce cas ? Ils ont oublié que cet enfant c’est le leur, la chair de leur chair ! Et cette femme, c’est celle avec qui ils ont passé quelques moments heureux, ou peut-être seulement quelques bons moments ! Amour ou bonheur furtifs mais stoppés un jour… parce que, entre eux, venait de prendre place un enfant !
Lui, il a voulu continuer son ministère. Il y réussit ; ses sermons sont écoutés, commentés. Il dirige la chorale, peut-être ; c’est un bon prêtre, généreux, pas avare de son temps, attentif et à l’écoute. De ce côté-là, rien à dire. Il a souhaité continuer « son » ministère. Rien à redire non plus. Mais cette relation avec une femme et cet enfant, pourquoi les avoir oubliés ? Contradiction ? Anomalie ? Hypocrisie ?
Dans certains cas, il y quelques dizaines d’années, l’église s’était même engagée à fournir à la mère une aide financière pour élever l’enfant mais sur le contrat, la mère devait s’engager à ne jamais révéler à l’enfant ni à quiconque le nom du père. Heureusement ce type de contrat a été abandonné. Afin d’éviter les procédures judiciaires qui permettraient aux mères de réclamer des pensions alimentaires grâce aux tests ADN, il avait été un temps question de proposer un contrat civil. L’enfant serait assuré de recevoir l’héritage de son père et il pourrait en porter le nom, ce qui est encore impossible aujourd’hui, à moins que le père décide de quitter son ministère.
Ailleurs il est arrivé que l’évêque, recevant le couple, leur délivre le sort réservé à chacun : Votre enfant, nous le confierons à des organismes qui l’élèveront et le feront adopter. Et vous, M. l’abbé, je vais vous nommer dans une autre paroisse loin de là, peut-être même dans un autre diocèse. Lors d’un de ces entretiens, la mère a poussé un cri :« Mais c’est mon enfant. Pas question de me l’enlever ! »

Chez Luc, c’est d’abord le regard, noir comme la réglisse, qui accroche. Il a 5 ans lorsque sa mère lui révèle que son père porte l’habit. Elle lui parle de cet amour fou qui l’a liée à ce brillant intellectuel dominicain, de vingt ans son aîné. Les mensonges, les hypocrisies de l’institution, Catherine les garde pour elle. Elle n’évoque pas non plus les trois frères de la congrégation venus rendre visite à ses parents peu après son accouchement pour leur demander de garder le silence, « en bons chrétiens ». Elle « lègue » le secret familial à son fils, avec le mode d’emploi: « Pour les catholiques, un prêtre ne peut pas avoir d’enfants ; alors, à eux, il ne faut pas le dire, tu sais. Les autres peuvent savoir. » Pas la peine d’en rajouter: Luc a tout compris. Lorsqu’une tête inconnue se présente à la maison, il se tourne vers sa mère en chuchotant: « Et à celui-là, on peut le dire? » 

Le père de Léa était jésuite, professeur de philosophie. Il a un jour croisé le regard vert d’une jeune professeur de lettres. Amoureux il a choisi de démissionner et de quitter les ordres, dans les formes, laborieusement mais dans les formes. Il en sort « nu », sans aucun pécule, sans aucun secours. Il retrouve un poste dans l’enseignement catholique. Léa raconte : « Très vite, des rumeurs courent sur son compte: il serait un défroqué, il aurait quitté les ordres pour se marier et enfanter. Les parents d’élèves et l’administration commencent alors à lui mener la vie dure ; il se voit éjecté de son poste, avec beaucoup de violence…  Mon père persévère dans le choix de cette fonction, dans un autre établissement catholique, comme s’il n’avait pas eu assez mal, comme s’il ne comprenait pas, avec ce premier avertissement. Le même phénomène se reproduit ; je m’en souviens, car je suis alors une petite fille un peu plus âgée, et ces souvenirs résonnent toujours de façon aigüe et douloureuse dans ma tête. Nous recevons des lettres et des coups de fils anonymes, des menaces de mort : on nous envoie des lettres avec des excréments dedans, ma mère me retrouve dans ma poussette avec un sac poubelle posé sur mes genoux. Un matin, nous sortons dans le jardin, et constatons avec effroi que le jardin a été saccagé, les fleurs déracinées. Je me souviendrai toujours du regard de mon père, ce jour-là. Notre chatte, qui avait fait des petits quelques jours avant, est retrouvée morte, empoisonnée par des voisins.  L’atmosphère est délétère, je me souviens de l’angoisse de mes parents et de la solitude dans laquelle nous nous trouvions enfermés. Par mesure de sécurité, je suis retirée de l’école maternelle. Je ne comprends pas pourquoi. Je reste à la maison, je m’ennuie. Notre nom de famille présentant, en outre, des consonances étrangères, des insultes racistes s’ajoutent au tableau. Pour la famille maternelle, mon frère et moi sommes les « enfants du diable ». Ma mère perd pied, et, bien plus tard, me dira avec colère: « Ton père n’était pas destiné à être père, il n’aurait pas dû avoir d’enfant. » Dont acte.

Ma vie sera, je pense, à tout jamais marquée par cette violence qui a été faite à cet homme dont la seule envie a été de se marier et d’avoir des enfants. Violence qui s’est répercutée sur sa femme et sur ses enfants. Désormais, je suis fragile, et souvent, j’endosse avec souffrance le pyjama bleu portant le matricule F45TG89U, à l’hôpital psychiatrique, pour tenter d’apaiser une ‘dépression résistante et majeure’ aux dires des médecins. La Messe est dite ! »( [7])
Un cas extrême de rejet par la société des chrétiens mais ce n’est pas un cas isolé. Avec des conséquences catastrophiques sur la vie du couple, et qui rejaillissent sur la vie des enfants car cela se prolonge, malheureusement, jusque loin dans leur vie. En quoi cette exclusion est-elle justifiée ?
Léa raconte par ailleurs la recherche qu’elle a souhaitée faire de la vie et de l’œuvre de son père, comme bien des enfants dans ce cas. Elle s’est rendue au couvent jésuite où il logeait. La réponse qu’elle reçoit nous laisse perplexe : « On me répond que lorsqu’un frère quitte les ordres, tous les documents relatifs à sa vie de frère sont systématiquement détruits, fiche d’identité, mémoires d’études, cartes… « Monsieur X, pour nous, n’a jamais existé. » Il y avait travaillé pendant 20 ans comme professeur de philosophie !

Un prêtre, aujourd’hui marié, témoigne : «D’une manière certainement moins douloureuse mais cependant marquante à vie, notre fille a souffert de ce silence qui était comme “obligé” pour nous ses parents : mon épouse, Marianne, était alors enseignante dans une école catholique  et personne ne savait notre passé mais dans notre département d’origine, le vicaire épiscopal du secteur avait pratiquement dit à Marianne de quitter le diocèse si elle voulait retrouver du travail dans l’enseignement catholique ! Malheureusement elle n’avait pas les diplômes suffisants pour enseigner dans le public… Le Directeur diocésain de notre nouveau domicile avait accepté de lui donner un poste mais elle devait rester discrète… Alors nous avons demandé à notre fille qui était dans l’école de mon épouse, de ne pas parler du passé de son père… Même si elle savait ce passé, dès qu’elle a pu comprendre, cette imposition du “silence” l’a beaucoup marquée; elle ne nous l’a dit que bien des années plus tard… »

Certains enfants traumatisés par ce qu’ils ont enduré n’ont jamais voulu avoir d’enfants. « Je n’ai pas voulu donner à mon enfant le même destin de discrimination qui a été le mien. Il fallait que le cycle des préjugés soit coupé. C’est pour cela que j’ai décidé de ne pas être enceinte. A cette occasion, mon mari a choisi le divorce. » [8]

Pendant des siècles la loi du silence a pesé sur un fait de société bien connu mais volontairement caché par l’Eglise catholique : l’existence d’enfants engendrés par des prêtres malgré l’interdiction qui leur est faite depuis le XIIe siècle de s’unir à une femme et de procréer. Cette règle contre nature, et les problèmes qu’elle soulève, est de plus en plus souvent évoquée dans les médias et même dans l’Eglise. Aujourd’hui ce sont des enfants de prêtres qui décident de « briser le silence » et de parler de leur expérience. Ces témoignages bouleversants ainsi recueillis parmi les adhérents de l’Association « Enfants du Silence » démontrent que l’on ne peut sortir indemne de telles situations malgré la foi et l’espérance dont certains témoignent.
En 2014, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a appelé le Vatican à « estimer le nombre d’enfants des prêtres catholiques, à savoir qui ils sont, et à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les droits de ces enfants de connaître et de recevoir les soins de leurs parents soient respectés. » Il est tout de même surprenant que ce soit un organisme extérieur qui rappelle à cette église ses devoirs !  Ce n’est pas le seul cas. Surprenant mais compréhensible si on considère que le cléricalisme enferme cette église sur elle-même, en faussant les jugements, un entre-soi qui brouille le sens du réel ; d’autant plus qu’il se double d’une structure pyramidale assez imperméable aux cris de la base. 
Que sera l’avenir ? Au-delà du comportement même de cette hiérarchie patriarcale et pyramidale [9] et des grandes décisions annoncées concernant l’ordination d’hommes mariés dans les régions les plus sinistrées (l’Amazonie entre autres), ce qui nous apparait primordial n’est-il pas de privilégier les communautés à la base et de s’interroger : de quoi ont-elles besoin pour vivre, pour se développer et apporter à la société le désir et la force de la paix, de la justice, de la solidarité. La question du la vie en couple des animateurs deviendra alors secondaire et le choix sera laissé à ceux qui seront authentifiés par elles-mêmes en premier, pour les accompagner. Comme au début !
Aujourd’hui nous voulons formuler plusieurs préconisations :

  1. Que les évêques soient accueillants lorsqu’un prêtre vient leur annoncer qu’il fréquente une femme, ou qu’elle est enceinte, ou qu’ils ont déjà un enfant. Il est évident que le prêtre redoute cet entretien. Qu’il puisse rencontrer une oreille attentive et non une condamnation, une menace d’exclusion ou une leçon de morale. Quoi de plus naturel que l’évêque aide le prêtre à reconnaître sa pleine responsabilité vis à vis de l’enfant né ou à naître, et ce jusqu’à sa majorité. Comme le Pape François les y invitait lui-même : «  L’attention prioritaire de la part du prêtre doit être dirigée vers la descendance ».

Et qui dit responsabilité dit aussi bien affection que accompagnement et soutien financier. De même par rapport à la mère de l’enfant. 

2. Que les évêques envisagent alors avec eux l’avenir. Qu’ils s’informent en premier de la manière dont le prêtre l’envisage lui-même : soit continuer dans un Ministère, celui qu’il assumait auparavant ou un autre, même administratif, selon les besoins du diocèse, et dans la discrétion, s’il le souhaite, soit quitter son ministère. Mais avec quelles ressources, retraite comprise ? La décision restant évidemment aujourd’hui encore à la concertation avec le seul évêque ; mais on peut aussi souhaiter que les paroissiens ou autres laïcs puissent être consultés. Que le prêtre en question ne soit pas nécessairement envoyé dans un autre diocèse ou « le plus loin possible », comme on l’a entendu si souvent, voire sur un autre continent, avec la conséquence de mettre une grande distance entre lui et son enfant.

3. Qu’il ne soit jamais imposé à la mère l’obligation de taire à jamais le nom de son père à l’enfant ou à des tiers, même si le diocèse accepte par contrat de prendre en charge des frais complémentaires pour l’éducation de l’enfant. Que les évêques et les prêtres en fonction reconnaissent donc les droits de l’enfant qui sont à la base de nos sociétés : droit de connaître son père biologique, droit d’avoir un contact ouvert avec lui, droit de recevoir un soutien qui ne soit pas lié à des conditions, et droit d’hériter de son père. Que les discriminations que subissent les enfants de prêtres soient ainsi abolies car celles-ci peuvent avoir des conséquences majeures dans sa vie de jeune et d’adulte.

4. En matière financière, on pourrait s’inspirer entre autres du modèle irlandais. : les évêques y ont élaboré des principes de responsabilité pour les prêtres en situation de paternité. Le document enjoint notamment les ecclésiastiques à assumer leurs devoirs moraux, financiers, personnels et légaux. Il exhorte également à placer avant toute autre considération le bien-être de l’enfant et de la mère. Les évêques se sont engagés à payer les frais de conseil et de soins pour l’enfant. Un psychothérapeute irlandais, lui-même fils d’un prêtre, Vincent Doyle, a créé une ressource en ligne, « Coping International », qui propose une assistance aux enfants des prêtres, qui souffrent souvent de dépression, d’anxiété et d’autres problèmes de santé mentale imputés au silence que l’Église leur impose. Lui-même a eu connaissance de ses origines à l’âge de 28 ans ! Son Site est en partie financé par l’église catholique[10].

5. Que les évêques prennent un peu plus au sérieux l’opinion des chrétiens qui ne sont pas troublés par de tels comportements de la part d’un prêtre qu’ils estiment pour le travail pastoral réalisé avec eux. La société évolue ; les opinions et l’intelligence des évangiles aussi. Et les chrétiens sont de moins en moins sensibles aux diktats dogmatiques !

6. A l’heure où nous écrivons, nous apprenons que le Vatican aurait donné des directives concernant les prêtres papa. Le Cardinal Silva, préfet de la congrégation du clergé avait parlé d’accélérer les demandes de retour à l’état laïc « de façon à ce que le prêtre puisse se rendre disponible auprès de la mère pour suivre sa progéniture. » On pourrait aussi prendre le problème par un autre bout !
Les quelques échos que nous en avons aujourd’hui ne nous permettent pas encore d’apprécier ces « directives ». Pourquoi ne laisser que des bribes d’information fuiter dans les Media : « Si l’enfant a moins de 18 ans,… si l’enfant a plus de 30 ans… » Et s’il a entre 18 et 30 ? D’abord privilégier le bien de l’enfant, nous dit-on ; on ne peut qu’approuver. Mais le bien du prêtre ? Rien de comparable avec un mouchoir jetable ! Pas encore très clair ! On y reviendra.

La plupart de ces témoignages sont extraits du livre publié récemment par l’Association Enfants du silence « Douze Enfants de prêtres témoignent ». Sans a priori, sans jugement, il s’agit de prendre acte, faire face à la situation, écouter et s’interroger. Cette Association, créée en 2012, se tient à l’écoute de tous ces enfants en difficulté du fait des tracas infligés à leurs parents, souvent par des gens d’église ou par de « bons chrétiens » croyant défendre l’Institution ; certains,  prêtres ou même évêques, ne sont-ils pas allés jusqu’à empêcher le prêtre parti (ou même la mère) d’avoir accès à certains emplois ! Comment justifier de tels comportements au limite de l’inhumain, comme on l’a vu ? On serait tenté de faire le rapprochement avec d’autres faits plus récents où on a aussi voulu sauver l’honneur de l’institution en tenant sous silence des crimes d’abus sexuels ! Préjugés et comportements inadaptés en contradiction totale avec un esprit de tolérance et de bienveillance, plus proches de comportements de secte ! Au lieu de sauver l’institution, ils n’ont fait que l’enfoncer !
Par l’intermédiaire du Site (enfantsdusilenceblog.wordpress.com/), EDS se tient aussi à l’écoute de ces mères laissées pour compte.
Peu nombreux sont les enfants de prêtres ou de religieux et religieuses qui acceptent de témoigner. Lorsqu’ils racontent leur histoire, on trouve cela bizarre dans une société aujourd’hui de plus en plus sécularisée. Que d’histoires pour une naissance !  Mais à y regarder de plus près, on ne peut qu’être surpris de la souffrance extrême qui s’exprime alors. Pourquoi cette souffrance ? Quoi de plus beau que d’avoir reçu la vie ? « Oui, mais voilà, dit une enfant de prêtre, cette vie, je l’ai reçue d’une ‘transgression’. Et on a fait payer très cher mes parents pour cette transgression. C’est comme si on voulait me renvoyer au néant. Nous n’aurions pas dû naître ! »

Fort heureusement, bien d’autres enfants de prêtres n’ont pas eu ces problèmes, notamment sur le secret de leurs origines ni avec des tracasseries faites à leurs parents. Le père, parfois clandestinement, avait alors gardé relation avec eux, notamment grâce à Skype, ou bien le père avait fait le choix de mettre fin à son ministère dans de bonnes conditions de départ.

« Les blessures qui ne se voient pas
Nous font du mal bien plus que toutes les autres
On les enferme au fond de soi
Mais c’est toute une vie qu’on les supporte ?… »

Ouvrages de témoignages récents :
Le Droit d’aimer, Anne Marie Mariani , Ed. J’ai lu
Moi, fille de prêtre, Anne Oxford, Ed. du Cigne 2008
Il n’est pas trop tard, ma fille. Delphine Messadi-Degiez. Ed. Les auteurs libres 2018



[1]  https://fr.aleteia.org/2018/02/10/qui-fut-le-premier-ermite-chretien/

[2] Douze Enfants de prêtres témoignent. Ed. Livres en Seyne p.169

[3] Des compagnes de prêtres témoignent. Plein Jour.  Ed. Golias p. 371

[4] Douze Enfants de prêtres témoignent. Ed. Livres en Seyne p. 104

[5] « Douze Enfants de prêtres témoignent » Enfants du Silence. Ed Livres en Seyne p. 139

[6] Anne Oxford. Ibidem p.109

[7] Extrait de Douze Enfants de prêtres témoignent. Ed. Livres en ligne p.20

[8] Ibidem p. 70

[9] Nos frères anglicans n’ont pas cette structure d’église centralisée. Les grandes orientations et décisions sont prises par vote majoritaire au sein de chacun des 3 collèges : celui des évêques, celui des prêtres et celui des laïcs. Il s’agit pourtant d’interpréter le même évangile ! 

[10] Voir Site EDS https://enfantsdusilenceblog.wordpress.com/2017/01/25/irlande-payer-le…fants-de-pretres/

Ils font de leur communauté un service des humains

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Forum des Églises vertes

Protéger l’environnement, un geste à la fois
Extrait du journal Quebequois « Présence Info » http://presence-info.ca/article/culture/proteger-l-environnement-un-geste-a-la-fois

En octobre 2019, quelque 200 membres du Réseau des Églises vertes étaient réunis pour une grande rencontre nationale au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.En octobre 2019, quelque 200 membres du Réseau des Églises vertes étaient réunis pour une grande rencontre nationale au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.   (Présence/François Gloutnay)

François Gloutnay | Journaliste

Journaliste
François Gloutnay

2020-03-29 09:49 ||  Québec

Malgré le grand enthousiasme suscité par la «fabuleuse encyclique» Laudato Si’ du pape François, «on n’est pas encore une Église modèle dans toutes nos pratiques environnementales», reconnaît volontiers le recteur du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.

«Mais on veut s’améliorer», ajoute Mgr Pierre-Olivier Tremblay, qui est aussi l’évêque auxiliaire du diocèse de Trois-Rivières. Ce matin du 19 octobre 2019, Mgr Tremblay s’adresse aux quelque 200 membres du Réseau des Églises vertes qui sont réunis pour une grande rencontre nationale au Sanctuaire. «La cause de l’environnement nous tient tous et toutes à cœur. On avance. On chemine. Mais on sait que le chemin sera long. Qu’il nous faut entreprendre un long travail d’éducation, de conscientisation et de mobilisation», dit-il aux délégués de ces 76 paroisses, couvents, diocèses et congrégations de tout le Canada, reconnus pour les gestes qu’ils posent en faveur de l’environnement et du respect de la création.

Lors de l’édition 2019 du Forum des Églises vertes, les différents conférenciers ont insisté sur cette conviction: protéger l’environnement est une responsabilité collective à laquelle tous et toutes peuvent prendre part. Deux intervenantes ont particulièrement insisté sur les gestes que chacun et chacune peut poser dans son quotidien et dans son milieu.

►REPORTAGE D’ABORD PUBLIÉ DANS LE NUMÉRO DE MARS 2020 DE LA REVUE NOTRE-DAME DU CAP◄

Des gestes au quotidien

Stéphanie Tremblay – aucun lien de parenté avec l’évêque auxiliaire– se souvient comme si c’était hier. En 2016, au terme d’une soirée de prière Taizé, des intervenants en pastorale de sa paroisse ont pris le temps de lire Laudato Si’, l’encyclique du pape François sur l’environnement publiée en mai 2015. Ils ont ensuite entamé une discussion sur ce texte.

«C’est à ce moment qu’ils m’ont approchée, moi, une jeune maman grano. Tu dois bien avoir des idées?», lui ont-ils demandé.

Des idées, elle en avait beaucoup. Tout comme les membres de ce petit groupe préoccupé d’écologie qu’elle a rapidement voulu joindre.

«On pourrait créer une friperie», afin de récupérer les vêtements usagés et réduire les déchets. Mais il y en a déjà une à Sainte-Anne-de-la-Pérade, a-t-on réagi.

«On pourrait ramasser des piles» à l’entrée de l’église, suggère un autre membre. À l’école, il y a déjà une boîte pour recueillir les piles usagées, explique alors un parent, une initiative locale que plusieurs ne connaissaient pas.

«Ensemble, on a alors convenu de ne pas dédoubler ce qui se faisait déjà, mais de faire connaître ces activités. Cependant, on voulait surtout convaincre notre petite communauté de préserver l’environnement au quotidien par de petits gestes», dit Stéphanie Tremblay, aujourd’hui âgée de 38 ans.

Un salon dans l’église

«On a décidé de créer un salon de l’environnement», a-t-elle expliqué fièrement lors du Forum des Églises vertes. C’est ainsi que le dimanche 5 juin 2016, en la Journée mondiale de l’environnement, à l’intérieur d’une église paroissiale, se tenait le tout premier Salon écolo de Sainte-Anne-de-la-Pérade. Des exposants – ils étaient une dizaine cette année-là – ont discuté, durant toute une journée, de protection de l’environnement, d’eau à préserver, de forêts à respecter, de tourisme responsable et de récupération.

«On a recueilli dans l’église ce jour-là des ordinateurs, des cartouches d’encre, des vêtements», se souvient Stéphanie Tremblay, qui fait aujourd’hui partie de l’équipe de vie communautaire de la paroisse, à titre bénévole. «On a même offert des tours en autobus électrique aux gens qui se sont déplacés», une centaine. Et, bien évidemment, ce salon a débuté par «une messe écolo», où les chants et les textes étaient tous liés à l’environnement.

Trois autres éditions du Salon écolo de Sainte-Anne-de-la-Pérade se sont déroulées, toujours à l’intérieur même de l’église. «Cette année, lors de notre quatrième édition, on a accueilli 30 exposants». L’événement paroissial est si populaire que des activités de conscientisation se déroulent maintenant tous les soirs de la semaine.

Mission: sensibiliser

«C’est en 2016 qu’on a rencontré le Réseau des Églises vertes», ajoute la jeune intervenante paroissiale.

La participation à ce regroupement a développé dans la paroisse un véritable «souci de mieux faire les choses» pour tout ce qui concerne l’environnement. Par exemple, «quand on achète de nouvelles fleurs, on fait attention à ce que ce soient des espèces qui sont amies des abeilles. On a planté des arbres fruitiers. Cette année, il y avait aussi des plants de tomates devant l’église».

Aujourd’hui, à la paroisse de Sainte-Anne-de-la-Pérade, quatre ans après avoir lu l’encyclique Laudato Si’, on utilise toujours de la vaisselle lavable lors des activités communautaires ainsi que des produits ménagers respectueux de l’environnement. À l’entrée de l’église, on recueille des lunettes usagées et des téléphones cellulaires. Par différents moyens, notamment par le bulletin paroissial, on sensibilise les paroissiens à l’importance du recyclage et du covoiturage. «Et on veille à acheter localement les biens dont on a besoin à l’église», dit Stéphanie Tremblay.

«Le pape François nous propose d’être une Église en sortie», ajoute-t-elle. «Nous, on ouvre les portes et on va vers les gens. Chaque année, on fait entrer les visiteurs dans notre église pour les sensibiliser à l’importance de protéger la création.»

Au-delà de la paroisse

Mais l’action du petit comité environnemental de Sainte-Anne-de-la-Pérade – «il compte six membres actuellement, âgés de 21 à 82 ans» – va bien au-delà de la paroisse. «On invite notre municipalité à passer en mode vert. On est en partenariat avec l’école. Et, en mai, on a organisé une marche verte avec la maison des jeunes», dit Stéphanie Tremblay.

«Je vous invite le dimanche 7 juin 2020 dans notre église», dit-elle en terminant sa présentation lors du Forum des Églises vertes. Ce sera la cinquième édition du Salon écolo de Sainte-Anne-de-la-Pérade. «Mais, surtout, je vous invite à poser de petits gestes écoresponsables au quotidien.»

Aussi conférencière lors du Forum des Églises vertes, Lauréanne Daneau reconnaît que les enjeux environnementaux sont si grands et si importants à notre époque qu’ils peuvent engendrer une forme d’inertie chez bien des gens. Pourquoi se préoccuper d’environnement, chacun dans son coin, quand de grandes entreprises ou même des décisions politiques vont anéantir en quelques instants tout ce qu’on a réussi à protéger ?

«Quand on veut tout faire en même temps, on fige. On devient paralysé», reconnaît la directrice générale du Conseil régional de l’environnement Mauricie. «Cela alimente notre sentiment d’impuissance.» Lauréanne Daneau voit plutôt combien il est essentiel que des personnes d’un même lieu «se donnent des moments de rendez-vous pour aller au-delà des actions individuelles», pour décider ensemble de ce que l’on peut faire collectivement.

Des solutions locales à un enjeu planétaire

«J’aime imaginer que des gens se réunissent ici, au Sanctuaire, ou dans leur paroisse. Et qu’ils lancent une réflexion sur leur propre consommation, par exemple. Ils vont rapidement découvrir que cette consommation de biens dans leur maison ou dans leur localité a un lien direct avec le transport des marchandises, un grand générateur d’émissions de gaz à effet de serre.»

Au terme de cet échange, les membres du groupe vont opter pour «réduire leur consommation et consommer de manière plus intelligente», estime-t-elle. «Ils vont décider de consommer moins, de consommer mieux et de consommer localement.»

En cherchant des solutions simples à de grands problèmes environnementaux, les membres d’une paroisse choisiront peut-être d’«organiser du covoiturage pour participer aux activités de la communauté». Ils pourront aussi «revoir la consommation d’eau ou la gestion des déchets» de leur lieu de culte ou du centre communautaire où ils se réunissent.

L’important, dit Lauréanne Daneau, «c’est d’abord de réfléchir à un enjeu, puis d’identifier une action à faire». On ne peut tout changer d’un seul coup.

Mais la question à se poser, collectivement, y compris dans nos paroisses, c’est celle-ci: «Que peut-on mettre en place graduellement?»

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Les religions aussi sont mortelles, comme les civilisations !

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« On s’imagine que nos croyances sont éternelles »
(Le Vif L’Express, Bruxelles – 11 02 21)

Peut-on faire un parallèle entre l’effondrement actuel du catholicisme en Europe et la disparition des cultes antiques? La question se pose en filigrane de Quand une religion se termine…, ouvrage qui rassemble les contributions d’une douzaine d’historiens.

"On s'imagine que nos croyances sont éternelles"

La pratique dominicale régulière s’est effondrée depuis les années 1960 et les mesures liées à la crise sanitaire risquent elles-mêmes d’avoir des répercussions sur les habitudes des fidèles. © belga image

Toutes les religions, comme les civilisations, sont mortelles. Ce message interpellant traverse l’ouvrage collectif Quand une religion se termine… (1). Une douzaine d’historiens d’universités belges francophones, flamandes et françaises y traitent des facteurs politiques et sociaux du déclin des religions, depuis la disparition des cultes antiques mésopotamiens, égyptiens, perses et gréco-romains jusqu’à l’effondrement du catholicisme en Europe, qui s’opère sous nos yeux. De nombreux chercheurs se sont penchés sur la naissance des religions. Mais rares sont ceux qui se sont interrogés sur ce qui se passe quand une religion disparaît. Que deviennent ses temples, ses prêtres, ses textes sacrés, voire sa langue?

Une religion naît, grandit et meurt comme d’autres phénomènes collectifs humains. » Anne Morelli, historienne (ULB)

Les cultes d’Isis, de Cybèle ou de Mithra, très populaires dans l’Antiquité, n’existent plus. Est-il concevable que le christianisme ou la religion musulmane puissent, eux aussi, finir par disparaître? « Chacun s’imagine que ses propres croyances sont éternelles », répond Anne Morelli (ULB), qui a coordonné le livre avec son confrère de la VUB Jeffrey Tyssens. « Pourtant, une religion naît, grandit et meurt comme d’autres phénomènes collectifs humains. Le christianisme a deux mille ans et l’islam quatorze siècles, c’est peu au regard de l’histoire de l’humanité. »

Les dieux ont quitté l’Égypte

Les historiens nous éclairent sur les causes de la disparition des religions. L’ antique religion polythéiste de la Mésopotamie a imprégné les sociétés du « Pays des deux fleuves » du IVe millénaire av. J.-C. au début de notre ère, avant de s’éclipser complètement. « La disparition de l’écriture cunéiforme a pu jouer un rôle dans ce déclin », note Aline Distexhe, spécialiste des dieux assyriens (ULB). De même, les pratiques et croyances de l’Egypte ancienne ont été omniprésentes dans la vie des habitants de la vallée du Nil pendant cinq millénaires, avant de disparaître avec la christianisation progressive du pays. « Il semble très délicat d’en attribuer la cause à une dépression, à un malaise interne qui aurait mené à une conversion inévitable », remarque Michèle Broze, spécialiste de la religion traditionnelle égyptienne, elle aussi de l’ULB.Le culte de Mithra s'est propagé dans tout l'Empire romain avant d'être éradiqué à la fin du IVe siècle., belga imageLe culte de Mithra s’est propagé dans tout l’Empire romain avant d’être éradiqué à la fin du IVe siècle.
© belga image

Culte de Mithra

Autre cas de figure, le culte de Mithra, divinité indo-iranienne vénérée en Perse, s’est propagé dans tout l’Empire romain à partir de la seconde moitié du Ier siècle de notre ère, a atteint son apogée au IIIe siècle, avant d’être éradiqué à la fin du siècle suivant. Tous ses édifices ont été détruits par les chrétiens, pour qui ce culte monothéiste à mystères faisait concurrence au christianisme, devenu la religion officielle et unique de l’Empire. On sait moins que l’athéisme lui-même, que les historiens font naître à l’époque des Lumières et de la Révolution française, est en réalité la renaissance d’un courant de pensée antique qui s’est éteint avec le triomphe du christianisme. A Athènes, Théodore de Cyrène, philosophe des IVe et IIIe siècles avant notre ère, niait ouvertement l’existence des dieux. « C’est le dernier représentant radical de l’athéisme antique », signale l’historien Alexander Meert (VUB et UGent). « Les non-croyances, comme les religions, ne sont pas éternelles », constate Anne Morelli.

Des églises reconverties

Trois chapitres du livre sont consacrés à l’effondrement actuel du christianisme en Europe, qui ne structure plus la société. « Les questions qui se sont posées aux responsables et adeptes des cultes antiques sont celles qui secouent aujourd’hui l’Eglise catholique », assure l’historienne. Quel avenir pour son clergé, dont la moyenne d’âge est de plus en plus élevée? Comment sont compris ses textes et son credo, fruit de controverses théologiques d’un autre âge? Que vont devenir ses lieux de culte désertés? Des églises et couvents désacralisés ont été reconvertis en hôtels, homes, lieux d’expositions, centres commerciaux… « Il y a trente ans, l’Eglise de Belgique estimait que la désaffection de ses édifices n’était « pas un problème majeur », relève la spécialiste. Elle n’imaginait pas qu’elle assisterait un jour à des réutilisations de lieux de culte pour des projets parfois très éloignés de leur vocation initiale. »

L’idée que les religions pratiquées aujourd’hui seront un jour périmées est très dérangeante pour nombre de nos concitoyens.

Certes, des catholiques continuent à vivre leur foi, s’engagent dans des organisations et initiatives diverses. Des paroisses belges comptent de nombreux bénévoles, actifs notamment dans le service aux déshérités. Mais la pratique dominicale régulière s’est effondrée depuis les années 1960. Les églises se vident et la crise sanitaire risque elle-même d’avoir des répercussions sur les habitudes des fidèles. Les entrées au séminaire sont de plus en plus rares. Le nombre de vocations et ordinations est très insuffisant pour remplacer les curés qui partent à la retraite et ceux qui meurent. La « résistance » d’une nouvelle génération de prêtres conservateurs, qui affichent avec ostentation leur foi, portent le col romain, voire la soutane pour les plus intégristes, ne traduit pas un regain global de la pratique religieuse, mais un repli identitaire.

Anne Morelli, h. kaghat

Anne Morelli © h. kaghat

Rejet des dogmes

Plus significatif encore: une majorité écrasante de ceux qui se disent catholiques n’adhère plus, selon les enquêtes d’opinion, aux fondements de la doctrine de l’Église : la vie dans l’au-delà, la virginité de la mère de Jésus préservée même après l’accouchement, la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, la résurrection du fils de Dieu et sa montée au ciel où il est assis à la droite du Père… « Lieux de culte désertés, crise des vocations, rejet des dogmes…: autant de signes révélateurs du déclin inexorable de la religion catholique en Europe », estime Anne Morelli (qui se déclare « athée élevée dans la tradition catholique »). « L’idée que les religions pratiquées aujourd’hui seront un jour périmées est, je le concède, très dérangeante pour nombre de nos concitoyens. »

Un monde « furieusement religieux »

Le débat sur la fin ou non des religions et la sécularisation de la société n’a pas fini de rebondir. « Une civilisation à dominante agnostique est une première au niveau de l’histoire », signale le chroniqueur jésuite belge Charles Delhez, paraphrasant l’historien français Jean Delumeau. Pour autant, le monde d’aujourd’hui est, à quelques exceptions près, plus « furieusement religieux » que jamais, constatait le sociologue et théologien austro-américain Peter Berger.

De « divines surprises » réservées aux cathos?

Chroniqueur et bloggeur, l’abbé Eric de Beukelaer réagit au contenu du livre Quand une religion se termine…: « Des auteurs évoquent la fin du catholicisme en Europe. Un type de catholicisme, certes. Mais « le » catholicisme? Si la religion n’était qu’un phénomène humain, sans doute. Mais si, comme je le crois, l’Esprit souffle pour inspirer au peuple des baptisés des chemins de renaissance, de « divines surprises » nous sont réservées et ce constat sera à ranger au rayon des fausses prédictions, voire du wishful thinking. »

Quand une religion se termine… Facteurs politiques et sociaux de la disparition des religions, sous la direction de Anne Morelli et Jeffrey Tyssens, EME éditions, 312 p.

Réhumaniser Jésus de Nazareth

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Ré-humaniser Jésus de Nazareth
Nous avons fait de Jésus un être en dehors de l’humanité, un extra-terrestre.
J’ai chez moi une magnifique photo. Placée au verso de la vitre de mn armoire, elle s’impose à moi dès que je rentre dans le bureau. je vais vous la présenter.
Une femme est assise sur le sol ; légèrement penchée, elle s’appuie sur sa main droite ; elle a de longs cheveux noirs; son enfant se tient debout devant elle ; il n’a pas encore tout son équilibre et de sa main droite, il s’agrippe à sa mère derrière lui ; de l’autre il suce son pouce ; il doit avoir 10 mois ; Il est nu et arbore un magnifique zizi. Sa mère le regarde, pensive. Elle ne sourit pas. Elle n’est pas triste ni inquiète. Elle admire la scène. Son enfant s’expose à la vue de tout un chacune dans sa nudité, dans son innocence, dans sa joie enfin ! de se tenir debout. La tête de la mère est si proche qu’on dirait même qu’elle lui parle à l’oreille.
Il m’arrive souvent de regarder ce beau cliché. Pour moi, c’est Jésus et sa mère. Cette photo me relie à leur humanité.
Dans le ronron des prédications quelques fois insipides pare que répétitives et si éloignées de la vraie vie, nous avons sauté à pieds joints sur cette époque-là. Les récits, pourtant symboliques des évangiles, nous ont fait faire sauter allégrement de sa naissance à son arrivée auprès de Jean le baptiseur dont il se fait le disciple sur les rives du Jourdain. Un peu comme dans les récits de Jean et de Marc, qui n’ont pas un mot sur la naissance et l’enfance, nous sautons directement au Jésus adulte.
Pourtant, de 0 à 30 ans, il a dû s’en passer des choses ! Demandez à une mère ou à un père ; il vous en racontera pendant des jours et des semaines : ses premiers cris, ses premiers pleurs, ses premiers sourires, ses premiers coups de reins pour se soulever, ses roulements de jambettes, ses premières maladies, ses éclats de rire dans le bain, ses premiers pas, ses premiers mots, ses plats préférés (mais peut-être qu’il n’y avait pas trop de choix dans ce domaine !)…que sais-je ! Mais de Jésus, nous ne savons strictement rien et qui plus est, nous passons là-dessus comme si ce personnage n’avait pas eu d’enfance, comme s’ Il était devenu un homme sérieux tout de suite, car c’est l’homme sérieux qui nous intéresse, le professeur de morale, le vagabond, le fondateur d’une religion, la nôtre, la vraie, la seule vraie. Nous l’avons déshumanisé. Et du coup, nous avons créé un personnage inatteignable et une religion désincarnée.
Que mangeait Jésus à son petit déjeuner lorsqu’il avait 5 ans, 10 ans 15 ans ? Et à midi ? Probablement beaucoup d’olives, de la viande de mouton, du pain fabriqué et cuit à domicile par Marie. Que faisait-il avec ses frères et sœurs ? Et avec les gamins du village de Nazareth en Galilée ? A quoi jouaient-ils ? Probablement comme tous les enfants du monde  qui s’amusent avec trois fois rien : un habit pour se déguiser, une corde pour sauter, un arbre pour grimper, une fontaine pour s’arroser… Jésus a-t-il fait du vélo ou de la trottinette ? Non, certainement pas mais il a dû apprendre à monter sur l’âne dont son père se servait pour transporter ses poutres de bois sur les chantiers de construction. Ce dernier a dû lui apprendre à compter ; un chef d’entreprise a intérêt à compter juste ! Peut-être aussi à lire car les garçons allaient à l’école, pas les filles ; pauvre Marie !
Jésus a eu 3 frères et deux sœurs. Il semblerait qu’il ait été l’ainé. On se mariait très tôt alors ; une fille était facilement mariée à 16-17 ans. Jésus avait donc des enfants en bas âge vivant dans la même maison ; il devait s’en occuper comme l’on fait dans les grandes familles. Il devait les faire manger, les faire jouer, leur raconter des histoires tirées de la bible ou de ce qui en tenait lieu à cette époque, leur raconter aussi de jolies contes surtout pour les endormir le soir, tout ce que fait naturellement un bon tonton !

Reconnaissons d’ailleurs qu’il en est de même pour Marie, inatteignable. Un être tellement parfait, policé qu’il nous échappe complètement. 

Et si Jésus  était noir, aurions-nous autant de sympathie pour lui ? Je me suis posé la question. Or il se trouve que jésus était palestinien, pas un parisien à l’accent si particulier ni un suédois aux cheveux blonds et aux yeux couleur turquoise ! C’était un oriental. Son visage était brun, pas noir, mais pas blanc comme les occidentaux. Mais toutes nos statues en font un vrai occidental. Bien content encore quand on ne nous sert pas un jésus en sucre comme les statues rose bonbon du sacré cœur ! Nos frères protestant sont heureux de ne pas avoir à se défendre de toutes ces fausses images !
Il y a tout de même une autre caractéristique qui a influencé fortement sa vie et notamment son enfance et sa jeunesse; nous le disons dans le Credo mais nous ne soupçonnons pas ce que cela veut dire:  » né de la verge Marie, conçu de l’Esprit saint . »
Ce langage, c’est en quelque sorte le langage de la foi. Mais qu’en est-il de la simple réalité humaine. Cela signifie tout simplement que Jésus n’avait pas de père biologique, comme nous disons aujourd’hui ! Jésus était connu dans son village et son entourage pour n’avoir pas de père. Utilisons le mot qui convient, – même si cela nous fait mal aux lèvres, vu tout ce qu’on nous a enseigné et qu’on continue d’enseigner – Jésus était considéré comme un bâtard !

Je vous invite à aller lire l’article :  » Un Jésus célibataire oblige-t-il un prêtre au célibat ? » « https://pleinjour.wordpress.com/2020/11/10/un-pretre-devrait-il-rester-celibataire-parce-que-jesus-aurait-choisi-de-rester-celibataire/ »

Vous y trouverez une meilleure approche des textes eux-mêmes qui vous permettra de comprendre ces choses difficiles à entendre mais si importantes !

Humour et Colère !

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« Et si on portait plainte contre les religieux qui disent aux femmes comment s’habiller ? »

L’œil de Marianneke

Par Nadia Geerts

Publié le 10/05/2021 à 8:00

  • En Belgique, une élue écolo a pris la défense d’une femme discriminée en raison de son voile en estimant qu’il s’agissait du droit des femmes à s’habiller comme elles l’entendent. Notre chroniqueuse lance donc un appel à Dieu lui-même et aux religieux : les femmes ne sont pas de petites choses fragiles qu’il faut protéger en leur faisant porter des vêtements pudiques.

La société de transports en commun de Bruxelles, la STIB, se rend coupable de discrimination. C’est en tout cas en ce sens qu’a statué le 3 mai dernier le tribunal du travail, en considérant que Madame T. , musulmane et voilée, avait été doublement discriminée par la STIB : directement, sur base de ses convictions religieuses, et indirectement, sur base de son genre. Une analyse partagée d’ailleurs par la Ligue des droits humains et Unia, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances. En cause, le « foulard » porté par Madame T., qui aurait entraîné le refus par la STIB de l’embaucher.

Et il n’a pas fallu longtemps pour que la coprésidente d’Ecolo, Rajae Maouane, enfonce le clou, exigeant que ce jugement fasse jurisprudence : « C’est dans notre programme, il est clair, a-t-elle déclaré. Ecolo est favorable à ce qu’on autorise le voile dans l’administration, sauf pour les fonctions d’autorité. La question, ici c’est une question de droits des femmes, de droit à disposer de son corps, de pouvoir s’habiller comme on l’entend. »

MAIS QUI DIT AUX FEMMES COMMENT S’HABILLER ?

Et là, tout à coup, j’ai vu la lumière. Évidemment, comment n’y avais-je pas pensé plus tôt ? ! Elle a raison, Rajae, et mille fois : les femmes doivent pouvoir s’habiller comme elles le veulent, personne n’a à leur dicter leur tenue, leur corps leur appartient, comment peut-on même imaginer, au XXIe siècle, contester cette évidence ? Ne vit-on pas dans des sociétés démocratiques, où la liberté doit être la règle ? Comment peut-on tolérer qu’il y ait encore des autorités qui prétendent contrôler le corps des femmes, leur dire ce qu’elles peuvent ou non porter, franchement ?

C’est pourquoi je porte plainte à mon tour, et incite chaque femme à le faire comme moi, devant toutes les juridictions compétentes, à Bruxelles, en Belgique et partout ailleurs dans le monde, contre tous ces imams, ces « savants de l’islam », ces ayatollahs, ces muftis et autres prédicateurs, qui répandent partout leurs injonctions, prétendant dicter aux femmes comment s’habiller pour être pudiques, respectables, mariables ; quel usage faire de leur corps pour ne pas offenser un Dieu jaloux, manifestement phallocrate, misogyne et sexiste.« Yahvé, Dieu, Allah : je porte plainte contre vous ! Arrêtez de vous cacher et reprenez le contrôle de vos troupes ! Dîtes-leur si vous n’êtes pas vous-même ce vieux macho frustré qu’ils nous brandissent jusqu’à l’indigestion, de nous lâcher la grappe, à nous les femmes. »

Et tant qu’on y est, contre tous ces curés, ces prêtres, ces rabbins, ces popes, ces évêques qui briment nos corps et traquent notre plaisir à coups d’anathèmes et d’interdits.

DIEU AU TRIBUNAL

Peut-être d’ailleurs faudra-t-il aller plus loin encore, et traduire Dieu lui-même devant les tribunaux, sous tous ses avatars monothéistes… Yahvé, Dieu, Allah : je porte plainte contre vous ! Arrêtez de vous cacher, montrez-vous enfin et reprenez le contrôle de vos troupes, qui, si vous me passez l’expression, ne cessent de partir en c…, depuis que vous êtes remonté vous coucher après avoir nonchalamment donné quelques ordres.

Dites-leur enfin, si vous n’êtes pas vous-même ce vieux macho frustré qu’ils nous brandissent jusqu’à l’indigestion, de nous lâcher la grappe, à nous les femmes, autant qu’ils la lâchent aux hommes : nous ne sommes pas de petites choses inférieures et fragiles qu’il faut protéger en nous faisant porter des vêtements pudiques, en nous interdisant des activités qui pourraient nous mettre en danger, et en deux mots en nous surveillant dans nos moindres faits et gestes et en cadenassant nos libertés à grands coups d’interdits plus grotesques les uns que les autres. Nous sommes les égales des hommes, nom de Dieu !