Mois: mars 2017

Dom Helder Camara : paroles de sagesse

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Dom Helder Camara : paroles de sagesse

by lvert

Disparu en 1999 à 90 ans, l’évêque brésilien Dom Helder Camara a fortement marqué l’Église de son temps et fut dans les années 60 à 80 une figure marquante de la Théologie de la Libération et plus largement des efforts d’émancipation des populations du Tiers-Monde. Proposé quatre ans de suite pour recevoir le Prix Nobel de la Paix, Dom Helder Camara fut aussi en butte à l’hostilité des factions les plus réactionnaires de l’Église catholique. Et pourtant, son procès en béatification ouvert en juillet 2013 est en bonne voie, sous l’impulsion de l’actuel pape François, le Saint-Siège ayant fait savoir début 2015 que « rien ne s’oppose » à l’ouverture de l’enquête en béatification qui est donc en cours.

Blog308_PhLivreAlors que l’on reparle ainsi de « l’évêque des pauvres », voici que vient de paraître aux éditions Bayard un livre passionnant qui propose une sélection de lettres écrites par Dom Helder Camara en 1964 et 1965, alors qu’il vient tout juste d’être nommé archevêque d’Olinda et de Recife et qu’il prend ses fonctions dans un contexte très particulier puisque survenant juste après le coup d’état militaire de l’armée brésilienne et en pleine préparation du Concile Vatican II.

Ces missives, traduites par le journaliste José de Broucker et soigneusement sélectionnées par Sophie Gallé-Soas, sont dites « interconciliaires » car rédigées entre deux sessions du concile, avec d’ailleurs une interruption en milieu de période, alors que l’évêque se rend à Rome pour la troisième session du concile entre le 10 septembre et le 23 novembre 1964. Rédigées de nuit, ces lettres qui reflètent l’activité et les réflexions du nouvel évèque, traduisant au jour le jour ses espoirs et ses doutes, constituent un extraordinaire témoignage d’une période d’intense engagement de sa part.

Issu d’une famile brésilienne de 13 enfants, Dom Helder Camara avait été ordonné prêtre en 1931 à Fortaleza, puis consacré en 1952 évêque de Rio de Janeiro où il s’emploie à défendre les droits des habitants les plus pauvres des favelas tout en concourrant à la création du Conseil épiscopal d’Amérique latine et à la préparation du futur concile Vatican II, ouvert en 1962 par le pape Jean XXIII et clôturé en 1965 par son successeur Paul VI dont Helder Camara était assez proche.

Dom Helder Camara en 1974

Dom Helder Camara en 1974

Violemment attaqué par certains milieux conservateurs de l’Église brésilienne, Helder Camara est écarté de Rio et nommé archevêque de Recife, la capitale du Pernambouc, un des états les plus pauvre du nord-est brésilien. A 55 ans, il prend ses nouvelles fonctions en avril 1964, une dizaine de jours seulement après le coup d’état militaire qui sonne le glas de la démocratie brésilienne. Il restera à ce poste jusqu’en 1985, ce qui coîncide précisément avec la fin de la dictature militaire et l’élection du président Tancredo Neves…

Ses relations avec la junte militaire au pouvoir sont d’ailleurs parfois tendues, lui que certains n’hésitaient pas à surnommer « l’évêque rouge » et qui s’en étonnait en ces termes : « Je nourris un pauvre et l’on me dit que je suis un saint. Je demande pourquoi le pauvre n’a pas de quoi se nourrir et l’on me traite de communiste ». Dans ses premières lettres retraçant son arrivée à Recife, il évoque d’ailleurs ses démêlés avec les militaires qui pénètrent en armes jusque dans le palais épiscopal pour venir arrêter des suspects, ce dont il proteste officiellement auprès du cabinet du général.

Avec même un certain succès, au point de conclure modestement : « l’incident m’a rapproché du véritable commandant de la révolution ici ». Il relate ainsi un entretien de 2 heures avec le général de la place à qui il n’hésite pas à dire ; « Général : celui qui vous parle est votre évêque […]. Acceptez cet avis fraternel […] : la sincérité de l’anticommunisme de beaucoup de militaires a été amplifiée par l’anticommunisme d’hommes d’affaires qui voulaient seulement défendre leurs propres intérêts… ».

Favela actuelle à Recife

Favela actuelle à Recife

Les relations avec les autorités locales de la junte militaire ne seront pas toujours aussi cordiales, d’autant que l’évêque dès les premiers jours de son arrivée part à la rencontre des pauvres dans leurs baraquements des favelas locales, pataugeant dans la boue des alagados, au milieu des marécages inondables… Et l’évêque se fait géographe pour analyser : « Des 146 km² du territoire de Recife, 97 sont occupés par des bidonvilles… Seulement 9 % des taudis sont la propriété des occupants, les autres sont loués ».

Face à cet océan de misère, Dom Helder Camara s’efforce de réduire le train de vie de son Église. Il se déplace en autobus et décide d’ouvrir le palais épiscopal à la foule des fidèles, laissant les enfants des rues gambader dans les jardins, quand il ne joue pas avec eux, leur proposant des parties de billes et de lancer de fléchettes… Mais il se retrousse les manches et se coltine aux dures réalités économiques qui entretiennent la pauvreté. Il se bat pour que son diocèse accepte de libérer une partie de son patrimoine foncier afin que les plus pauvres aient accès à la terre : « Nous allons parler sérieusement des terres de l’archidiocèse. Nous avons des arguments très forts et pressants pour nous défaire d’elles : la réforme agraire a été décrétée et le geste du pape exige une réponse immédiate ».

Dom Helder Camara en 1970 avec des enfants d'un bidonville de son diocèse (photo Archives CIRIC)

Dom Helder Camara en 1970 avec des enfants d’un bidonville de son diocèse (photo Archives CIRIC)

On découvre à travers de ces pages non seulement un homme de coeur, un théologien épris de justice et de charité, mais d’abord un homme d’action, un organisateur qui jongle avec les projets, s’inquiète de trouver des débouchés aux briques ou aux sandales qu’il fait fabriquer et encourage ses séminaristes à la menuiserie ou au maraîchage aux côtés des salariés. Car le rôle d’un évêque n’est pas seulement de guider spirituellement ses ouailles : « Dans mon esprit, l’évêque d’une région sous-développée a l’obligation chrétienne et apostolique d’aider son peuple à s’arracher au sous-développement, dans lequel la vie humaine est impossible, et donc aussi, sauf miracle, la vie chrétienne ». On l’entend ainsi disserter sur les limites de l’aide au développement apportée notamment par la France, regrettant que celle-ci ne représente qu’une infime part de son PNB et estimant que « la France doit susciter de nouvelles modalités de relations économiques plus favorables au développement ».Blog308_PhCamara1964

Une analyse politique lucide qui lui vaut bien des critiques mais qu’il n’hésite pas à défendre devant ses interlocuteurs y compris étrangers et à la télévision. Car Dom Helder Camara est un homme de communication qui a saisi tout l’intérêt des médias pour diffuser ses messages. Cela lui est d’ailleurs vertement reproché par les autorités ecclésiastiques, au même titre que ses efforts œcuméniques en vue d’un rapprochement avec les églises réformées. Mais il ne se laisse pas démonter : « Accuser l’évêque d’une grande ville, en plein 1964, de participer à une émission de télévision, c’est ignorer que la télévision nous porte au coeur des foyers, dans l’intimité des familles, nous permettant d’avoir partout une audience inimaginable pour qui ne la voit pas ».

Blog308_PhFemmeIndigene
Tout au long de ces témoignages au ton enjoué, on découvre un homme chaleureux et épris de liberté, qui ne déteste rien de plus que de voir un oiseau en cage : « C’est ainsi que j’aime les oiseaux : lâchés, totalement libres, jouant dans les branches des arbres. Aussi grande soit-elle, aucune volière ne me paraît raisonnable ». Il y a du Saint-François d’Assises derrière le Dom… Il n’hésite pas à rendre visite aux prisonniers et va jusqu’à remettre en cause les plans proposés par ses architectes pour la construction du futur séminaire : « J’ai horreur de peiner qui que ce soit. Mais comment permettre que mes séminaristes grandissent avec l’impression d’être cloîtrés et même en prison !? ».

Un livre magnifique en tout cas qui permet de faire connaissance avec un être hors du commun, un homme visionnaire et engagé qui avait dès son intronisation en avril 1964 prononcé un véritable discours programme dans lequel il se présentait « comme un Nordestin qui s’adresse aux Nordestins avec les yeux rivés sur le Brésil, sur l’Amérique latine et sur le monde. Un être humain qui se considère frère de faiblesse et de pêché des hommes de tous les coins du monde. Un évêque de l’Église catholique qui, à l’image du Christ, ne vient pas pour être servi mais pour servir ». Plus que le « Journal d’un évêque prophétique », une véritable leçon de sagesse, de détermination et d’humilité…

L.V.

Bilan après la loi Mariage pour tous !

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C’est quand même dangereux de marcher à contre-courant en prédisant les pires calamités !
Et dire que des évêques ont voulu monter dans ce train !

Deux ans de mariage pour tous en France : un bilan terrifiant ???

Pascal Riché

 Publié le 23-04-2015 L’OBS

EN 2015, VOUS AVEZ LU… un édito de Pascal Riché : deux ans après le « mariage pour tous », on nous promettait la guerre civile, du sang. Et rien!

Mariage pour tous. Photo d'illustration. (JDD/SIPA)Mariage pour tous. Photo d’illustration. (JDD/SIPA)
  • Voici un édito de Pascal Riché : deux ans après le « mariage pour tous », on nous promettait la guerre civile, du sang. Et rien! Article publié le 23 avril 2015.

Lors du débat sur le mariage pour tous, Laurent Chambon, cofondateur de Minorités, prof installé aux Pays-Bas, avait rédigé sur Rue89 une tribune titrée de façon ironique et provocatrice : « Douze ans de mariage gay en Hollande : un bilan terrifiant ? ».

Il expliquait qu’en réalité, il ne s’était rien passé, ou presque rien, depuis la réforme néerlandaise. Le mariage homosexuel est entré rapidement dans les mœurs ; politiquement, il est vite devenu un non-sujet. Même l’extrême-droite hollandaise, ayant conscience que ses électeurs « ne comprendraient pas pourquoi on discriminerait son voisin, son enfant, son frère, sa sœur ou soi-même », était devenue pro-mariage gay. Terrifiant… !

On fête ce jeudi le deuxième anniversaire de l‘adoption par l’Assemblée nationale de la loi ouvrant le droit au mariage et à l’adoption aux personnes de même sexe. La loi avait été votée dans un contexte très tendu : dramatisation des enjeux, manifestations monstres, agressivité des propos, violences homophobes… A l‘époque, les opposants au mariage pour tous promettaient d’autres tensions, d’autres rejets, la fronde de maires « vertueux », un déclin des valeurs… Que s’est-il passé ? Eh bien, comme aux Pays-Bas : rien.

Les maires ont rempli leur mission, et les incidents causés par des maires récalcitrants, dans les 36.000 communes, se comptent sur les doigts d’une main. Le mariage des homosexuels est entré dans les moeurs.

Même au FN, l‘homophobie recule

Et comme dans tous les pays qui ont adopté le « mariage pour tous », l‘homophobie recule. Même au Front national, qui n’est pas le parti le plus « gay friendly » du paysage politique, on peut désormais croiser des dirigeants ouvertement gays sans que cela ne soulève un grand débat interne, c’est dire. Et c’est à la quasi-unanimité que l’Assemblée nationale a adopté le 3 avril un amendement à la loi Santé contre l’exclusion des homosexuels du don de sang.

La question a déserté le discours politique. Ceux qui, à droite, juraient qu’ils « démarieraient » les mariés homosexuels une fois de retour au pouvoir se taisent. « Les Français attendent d’autres priorités que la réécriture de la loi Taubira », a même écrit Nadine Morano dans un tweet. Fermez le ban.

Et les Frigide BarjotChristine BoutinLudivine de la Rochère et autres Béatrice Bourge qui pronostiquaient « du sang qui coule », « la guerre civile » et autres plaies se sont évaporées comme des traces de buée au soleil.

Deux français sur trois

Selon les sondages, jamais autant de Français ne se sont déclarés favorables au mariage pour tous : on atteint 68%. Même les sympathisants UMP se déclarent en faveur du mariage pour tous en grande majorité : 58% (contre 33% en janvier 2013).

Sur la question de l’adoption par des couples homosexuels, les Français sont davantage divisés, mais jamais l‘on a constaté autant de Français qui s’y déclarent favorables (53%).

Avec la loi Taubira, la bataille pour l’égalité des droits n’est certes pas terminée, mais elle a bien avancé. Pas de guerre civile, pas de bain de sang, juste l’inverse : un peu plus de « vivre ensemble » et de fraternité.

Les droits des femmes dans l’Eglise

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Une association portait bien son nom DLE / c’est-à-dire « Droits et Libertés dans les églises et la société ». créée en 1987.
Cette Association a fusionné il y a peu d’années avec une autre appelée FHE / « Femmes et Hommes dans l’Eglise et la société » créée bien plus tôt, en 1969. La fusion s’est faite en 2011 après avoir mené ensemble des actions communes. Aujourd’hui la résultante dee cette fusion  » Femmes et Hommes Égalité, Droits et Libertés dans les Églises et la Société » FHEDLES a son site : fhedles.fr
Je vous invite à aller vous documenter

Elle se présente ainsi « 

L’Association FHEDLES est née le 6 février 2011. Elle succède aux deux associations sœurs Femmes et Hommes en Église (FHE) et Droits et Libertés dans les Églises (DLE), créées en 1969 et 1987.

Notre objectif est d’ « œuvrer au sein des Églises et de la société, avec la liberté de l’Évangile, à de nouvelles pratiques de justice, de solidarité et de démocratie pour :

  • l’égalité et le partenariat entre femmes et hommes, en refusant toute forme de discrimination liée au sexe.

  • la transformation profonde des mentalités, des comportements, des institutions pour donner réalité aux droits et liberté de toutes et tous.

  • l’émergence de langages et de symboles renouvelés.

  • la promotion de recherches, notamment historique et théologiques, appelées par les trois objectifs énoncés ci-dessus »

dans le respect de la diversité des cultures et des spiritualités. » (Article 2 des statuts) »
Aujourd’hui le Blog des « Chrétiens progressistes » suggère le lancement d’un « Synode pour les femmes ». Voir ci-dessous. 

Jorge Costadoat : « La situation actuelle des femmes dans l’Église n’est pas un oubli, c’est un péché »

Publié le 8 Mars 2017

Jorge Costadoat dans un article sur periodistadigital.com pour la journée internationale des droits de la femme ce mercredi 8 mars, 2017 nous dit que le pape François a ouvert une série de synodes pour montrer ce qui se passe dans l’Église. Il a terminé le synode de la famille. Commence avec celui des jeunes … extraordinaire! Je me demande : ne peut-il pas convoquer un synode des femmes ?
Pas un synode « sur » ou « pour » les femmes, sinon un de « la femme organisée » et mit en œuvre par les femmes elles-mêmes. Un « sur » ou « pour » les femmes n’est pas nécessaire. Il faut en finir avec ces anthologies sur les femmes qui, au lieu de répondre à leurs besoins, les exaltent à continuer à faire comme avant. Si nécessaire, cependant, un synode « de » la femme pour exhorter et entendre les femmes.

«Qu’est-ce que l’Église entend des femmes comme un signe des temps ? Le droit des femmes à être des femmes, je comprends, est exprimée en deux types de mouvements». Le «féministe» en général, le mouvement qui a combattu pour que les femmes aient des droits civils et politiques égaux à ceux des hommes. Ce mouvement est répliqué dans le domaine ecclésiastique dans les demandes de participation des femmes dans les organismes gouvernementaux, pastoraux et sacramentels. Le cas emblématique est celui de l’ordination sacerdotale.

Mais il y a un autre mouvement qui est plus profond et plus critique, et qui est la base des droits légalement exécutoires. À savoir, le mouvement «féminin» qui cherche la libération des «femmes» avec «les femmes des fonctions, des catégorisations et des services qui ont été imposées à travers l’histoire. Je veux dire la libération intérieure que certaines femmes ont atteinte, l’excrétion du patriarcat et l’androcentrisme qui les a inoculées à partir du jour de leur naissance.»

L’Église institutionnelle, dans le monde des démocraties occidentales, s’est battu si tard pour les droits des femmes; en effet, elle a été sourde à leurs cris de compréhension et de dignité, ce qui leur donne peu d’autorité pour parler. Jorge Costadoat a vu le synode sur la famille où les mères ne votaient pas. Il constate que les seuls espaces libérateurs qui ont été donné aux femmes étaient les exercices spirituels et la vie religieuse.

Aujourd’hui, de nombreuses femmes pensent que le clergé sacré est à sacrifier. La femme lève la tête aujourd’hui. Elle ne supporte plus de profiter de l’indulgence du clergé. C’est pour cela que l’Église a besoin d’un synode des femmes.

Pour lui, «La situation actuelle des femmes dans l’Eglise, à ce stade, n’est pas un oubli. C’est un péché Le pari chrétien doit être le suivant : l’Évangile aide les femmes à atteindre leur accomplissement . Si la proclamation de l’Évangile ne se déploie pas pleinement les femmes, ne elle n’est pas évangélique.

La lettre de Vatican II aux femmes avait déjà confirmé le problème puisqu’elle ne mettait que les femmes sous leur identité de mères, éducatrices, femmes au foyer. On louait la femme pour cela. Le concile n’avait pas abordé la question des femmes.

Un synode qui, au moins, doit revenir aux femmes par l’importance qu’elles ont dans les communautés chrétiennes du premier siècle. Un synode, et mieux un concile, pour mettre en œuvre le Christ libérateur de l’esclavage diversifié et commanditaire de la dignité dont ont besoin les êtres humains sans exclusion.

Jorge Costadoat propose un synode où les femmes seraient partie prenante de leur avenir dans l’Église et sans vision d’hommes. L’idée permettrait enfin de ne pas seulement parler de la femme, mais enfin de lui donner sa véritable place dans l’Église.

Crise du Modernisme : en sommes-nous sortis ?

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 Sommes-nous sortis de la crise du modernisme ?

                                     Jacques  MUSSET  Editions. KARTHALA
L’auteur revient sur la crise moderniste qu’a traversée l’Eglise catholique au début du XXe siècle, quand des intellectuels ont pris l’initiative de repenser le christianisme, se heurtant violemment au pape Pie X. Il montre ensuite que, malgré les améliorations superficielles de Vatican II, l’Eglise demeure toujours établie dans la doctrine dogmatique et morale élaborée il y a plusieurs siècles.
Mais qu’est-ce qu’on appelle Crise moderniste ?

C’était en 1956, j’avais alors 26 ans, et j’allais être ordonné prêtre au service de l’Eglise dans la Mission de France. Nous étions… tenez-vous bien !… trente-deux postulants ! Le supérieur du séminaire nous rassembla un jour et nous dit : « Voilà, il faut prêter serment si vous voulez être ordonnés… Levez la main droite et dites : je le jure ! ». Nous avions d’autres ambitions dans notre futur sacerdoce, si bien que ce geste de pure forme était loin de nous inquiéter… Nous avions déjà fait tant de concessions au gouvernement de l’Église pour réaliser notre vocation missionnaire (particulièrement après la condamnation des P.O. en 1954) qu’un geste de plus ou de moins ne nous fit pas problème. Et d’une même voix, confortés par le sourire en coin du supérieur qui était un homme de foi et de grande intelligence (Jean Morel, PSS) en qui nous avions toute confiance, tendant chacun la main droite, nous répétâmes la phrase fatidique sans plus nous inquiéter de ce à quoi elle nous faisait renoncer !…

Oui, nous avions entendu parler de « la crise moderniste » du début du siècle… et si ceux qui nous enseignèrent pendant six ans étaient discrets sur le sujet, nous étions alors gagnés à ce que nous savions du Sillon, de Marc Sangnier, d’Emmanuel Mounier… Lequel d’entre nous n’avait pas un jour essayé de se renseigner sur Loisy et les raisons de son excommunication…On en parlait entre nous, à mots couverts… Qu’avait-il fait, ce paria, pour mériter pareille condamnation ? Nous avions lu des extraits de Maurice Blondel et fréquenté Jeunesse de l’Eglise de Montuclard. Mais les événements allaient si vite et l’actualité nous pressant, nous avions assez à faire face aux sollicitations du quotidien dans cet après-guerre si riche en tous domaines, au point qu’on l’appela « les Trente glorieuses ». Nous étions aussi alimentés par les Congar, les Chenu, les de Lubac et autres Theillard de Chardin…, c’était le redépart des P.O… La pastorale de terrain nous fit quelque peu déserter le champ des idées…

Si bien que le livre de Jacques Musset, ayant pour titre Sommes-nous sortis de la crise moderniste ? vient à point pour d’une part, réveiller mes souvenirs, m’en dire plus sur ma propre histoire et sur cette période si mouvementée de l’histoire de l’Église et de la France, mais aussi m’éclairer sur la période actuelle y compris dans sa dimension politique. L’Église, dite peuple de Dieu, n’échappe pas aux clans, aux extrêmes, à ce que nous appelons la lutte des classes… Et dans l’Église comme dans la société civile et dans l’histoire des nations et des peuples, le passé explique le présent et aide à préparer l’avenir…  Le concile Vatican II a ouvert des pistes, reste à « repenser le christianisme pour notre temps, actualiser l’Évangile, faire entrer notre Église catholique dans la modernité ». Le chantier est ouvert… Et si on semblait l’oublier, ce livre, riche en documents d’époque, vient utilement rappeler l’histoire, et appeler les nécessaires combats d’aujourd’hui pour la vérité du Message.

Une question pourrait se poser : a-t-on du temps à perdre dans un combat qu’on pourrait croire d’arrière-garde ?… si, en fait, n’étaient en jeu à travers cet aggiornamento, les bases de la foi d’aujourd’hui et l’authenticité du message dont nos vies voudraient témoigner. Je sais d’expérience, que nos compagnons de route, ceux qu’on appelle vite fait « les chrétiens de gauche », ont d’autres objectifs que l’évolution de leur Église, d’autres impératifs que les querelles de sacristie, et d’autres terrains de luttes que la petite famille des cathos. Mais à trop laisser la place aux autres, on finit par perdre et par se perdre… Et à quoi serviraient tous les efforts missionnaires si « l’Église visible » continuait à véhiculer à travers ses méthodes, ses paroles et ses ukases, tant de contre-signes ? Combien de fois n’avons-nous pas entendu dire sur les chantiers : « oui, mais toi, c’est pas l’Église… ». Par ailleurs, la sensibilité à ces questions que nous donne notre expérience de P.O. ne peut qu’y trouver son compte, tout en nourrissant notre foi et notre spiritualité.

Merci à Jacques Musset de nous solliciter…

Je ne me risquerai pas à vouloir résumer ce livre, mais j’y ai trouvé à la fois un condensé de l’histoire de l’Eglise en France et au-delà, au XXème siècle, une documentation utile, mais surtout des raisons de lutter encore aujourd’hui pour, enfin « sortir de la crise du modernisme » et rendre au message évangélique sa saveur pour notre temps !

Voilà pourquoi nous tenons à recommander ce livre récemment paru aux éditions Karthala et dont je n’ai pas beaucoup vu de recensions dans les chroniques littéraires…

Sommes-nous sortis de la crise du modernisme ?

                                  Jacques  MUSSET                    Ed. KARTHALA

286 pages   Novembre 2016

 

 

Fin de vie

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DJ Fabo, l’Italien qui a rouvert le débat sur l’euthanasie dans son pays, est allé mourir en Suisse

Cette star de la musique avait rouvert en Italie le débat houleux du suicide assisté.

27/02/2017 Annabel Benhaiem Journaliste pour la rubrique « Ça Marche » du Huffington Post

FACEBOOK/DJ FABO

DJ Fabo était une star dans son pays. Musicien, rêveur, son combat pour l’euthanasie a ému une grande partie des Italiens, mais n’a pas su faire bouger l’Église, intransigeante sur cette question.

EUTHANASIE – Fabiano Antoniani est mort à 39 ans. Ce DJ italien s’était rendu en Suisse pour se faire euthanasier. Grande star en Italie, il était connu sous son nom de scène, DJ Fabo. Son suicide assisté qui s’est déroulé dans la matinée du 27 février a relancé le débat sur l’euthanasie dans un pays très réfractaire à toute avancée sur la question, où les institutions religieuses sont vent debout contre toute tentative de changement.

DJ Fabo était cloué sur son lit depuis un accident de la route survenu en 2014, qui l’a rendu aveugle et tétraplégique. Il était également perclus de douleurs, et ne s’exprimait que difficilement oralement. Il demandait à voir la fin. Mais la justice italienne avait refusé de lui accorder le droit de mourir. L’Église s’était elle aussi exprimée à plusieurs reprises contre la décision de Fabio Antoniani de se rendre en Suisse pour procéder à son euthanasie.

Soutenu par Roberto Saviano

En janvier, le DJ avait interpellé le président de la République italienne dans une lettre ouverte publiée dans le Corriere della Sera. À la suite de cette lettre, quelques personnalités ont soutenu son combat ouvertement, à l’instar de l’écrivain et réalisateur Roberto Saviano.

Ce dernier, qui vit sous protection policière depuis la sortie de son film « Gomorra » (2008 en France) consacré à la mafia napolitaine, s’est personnellement engagé dans le combat de DJ Fabo. Un message sur Facebook annonçait la mort de son compatriote.

Dans ces lignes, il rend aussi hommage à l’homme politique Marco Cappato qui a accompagné DJ Fabo tout au long de sa lutte. Le radical-libéral, ancien député européen, est un militant de la légalisation de l’euthanasie en Italie.

Pour annoncer le décès de DJ Fabo, il a d’ailleurs fait part de la tristesse de voir son pays lui refuser une « mort digne ». Il risque douze années d’incarcération pour avoir facilité l’euthanasie du DJ.

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Marco Cappato 

✔@marcocappato

Fabo è morto alle 11.40. Ha scelto di andarsene rispettando le regole di un Paese che non è il suo.

11:45 AM – 27 Feb 2017 · Switzerland

« Fabo est mort à 11h40. Il a choisi les règles d’un pays qui n’est pas le sien ».

« La mort dont j’ai toujours rêvé »

De son côté, DJ Fabo décrivait le 20 janvier sur sa page Facebook, qui lui a servi de relais médiatique pendant sa campagne, la manière dont il aurait aimé réellement mourir, s’il n’avait pas eu à subir tant de souffrances physiques. Son message est poignant.

« Merde à l’ennui… merde aux problèmes… merde à la maladie… merde à la tétraplégie… merde à mes yeux aveugles… merde au connard… merde à la malchance… maintenant stop… mets un disque… et danse danse danse jusqu’à ce que tu n’aies plus de force… jusqu’à ce que la moindre goutte de transpiration s’évapore de ton corps… jusqu’à ce que tu sois tellement saoul et que tu ne puisses plus tenir sur tes pieds… drogue-toi en toute conscience… jusqu’à ce que chaque partie de ton corps ressente la musique… quand tout peut arriver… laisse la musique t’emporter… jusqu’à ce que tu tombes entouré des plus beaux rêves… peut-être… sans que tu ne puisses te réveiller… c’est la mort dont j’ai toujours rêvé… »

La France a lancé une grande consultation

En Italie, l’euthanasie est interdite. Quand elle est active, c’est-à-dire administrée par un tiers, elle est considérée comme un homicide volontaire et le suicide assisté comme un délit. Cependant, la Constitution reconnaît le droit de refuser des soins, sous certaines conditions.

En France, les cas de Vincent Humbert, de Chantal Sébire et Vincent Lambert – entre autres – ont émaillé l’actualité ces dernières années. La loi sur la fin de vie a instauré en 2016 un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, sans pour autant légaliser l’euthanasie ou le suicide assisté.

Une grande consultation à l’échelle nationale a été lancée par le gouvernement le 20 février, afin de porter à la connaissance du grand public la possibilité de décider si le patient souhaite limiter ou arrêter les traitements qu’il pourrait recevoir en fin de vie, au cas où il deviendrait incapable d’exprimer sa volonté.